«Bring It On»: les hommages de Sarah Ramos
Vingt ans plus tard, tout le monde se souvient des répliques de «Bring It On».
- Texte: Haley Mlotek
- Directeur photo: Sarah Ramos
- Modèles: Laura Harrier, Vanessa Chester, Meagan Holder, Sarah Ramos
- Traduction: Andréanne Marchand Godbout

Comme beaucoup de satires cinématographiques sucrées et acidulées du tournant des années 2000, Bring It On met en scène des adolescentes dans la vallée de l’étrange. Celles-ci vivent en banlieue, se rendent à l’école dans leur New Beetle bleu bébé et jouissent d’un bronzage impeccable grâce à un soleil éternel. Or, ces adolescentes captées sur film à l’avènement du millénaire semblent particulièrement irréelles – leurs t-shirts à mancherons couleur pastel composent l’hyperbole esthétique d’une planète parallèle. Leur slang est plus lyrique que la plus ingénieuse des répliques d’adolescents, et leur chevelure déborde de pinces papillon. Cette tension entre l’hyperréalité et le surréalisme pur explique probablement pourquoi, vingt ans plus tard, ce premier opus, qui est depuis devenu une franchise multimédia, s’est élevé au rang de canon incorporant littéralement tous les genres: un film sportif, un film de danse, un film romantique, un film de rivales. La distribution de Bring It On a fait de chaque scène un classique; et de chaque dialogue, un hymne.
Les vidéos Instagram de Sarah Ramos offrent un voyage panoramique à travers ces réminiscences nostalgiques. Elle extrait certaines des scènes cinématographiques les plus mémorables et les convertit en quelque chose d’encore mieux qu’un souvenir: elle saisit ce sentiment de connaître un film si bien que son texte semble nous appartenir.
Pendant que Torrance, capitaine de l’escouade championne de meneuses de claque de Rancho Carne Toros, incarnée par l’enfant chérie de la fin des nineties Kirsten Dunst, devient l’ennemie d’une autre équipe, Isis, campée par Gabrielle Union, capitaine des East Compton Clovers, lutte pour obtenir la reconnaissance qui leur a été volée. Dans une entrevue à propos du film à l’occasion de son 15e anniversaire, Union remarque l’écart entre la perception de son personnage par le public et son intention d’actrice. «Quand on recrée mes scènes, on me transforme en une caricature qui n’a jamais fait partie du scénario», commente-t-elle. «Je me disais: mais à quel moment mon rôle t’a-t-il inspiré cet horrible et ridicule stéréotype de femme noire idiote qui roule la tête et agite un index accusateur face à une femme blanche en lui lançant des “non” et des “assez, c’est assez”?»
Les suites et les versions postérieures au Bring It On original se sont éloignées du fil directeur de la répétition, de l’imitation et de l’appropriation pour faire place à un type de comédie plus caricatural. Plus récemment, l’imaginaire des pom-pom girls a pris un virage vers le réalisme brut. Le documentaire Cheer par Netflix à propos d’une équipe championne semble tirer son arc narratif du livre Le corps n’oublie rien, tandis que l’adaptation de Vilaines filles de Megan Abbott transforme les meneuses de claque en femmes fatales dignes d’un film noir. En visionnant de nouveau Bring It On (à deux reprises) avant de regarder la version de Sarah, le mantra répété par Monica, la coach de Cheer, m’est venu à l’esprit: «Tu dois continuer jusqu’à que tu le fasses bien, disait-elle souvent au sujet de sa technique, et à partir de là, continuer jusqu’à ce que tu ne puisses plus te tromper.»Les enjeux abordés par Bring It On ne sont pas mineurs: c’est plutôt que le public en contemple les rebondissements avec le même entrain que s’il s’agissait d’une pyramide parfaitement exécutée ou d’une athlète qui se propulse du matelas en utilisant ses propres jambes comme tremplin. À la fin du film, l’ordre est rétabli dans ce semblant de réalité, mais la scène de clôture est soigneusement ficelée, chaque personnage en parfaite harmonie avec son rôle. Dans la version de Ramos, Sarah et Laura Harrier, Vanessa Chester et Meagan Holder recréent merveilleusement cette confrontation avec un naturel percutant. En imitant une scène portant sur l’appropriation d’une technique, leurs voix font écho à un dialogue que tout mon entourage ou presque connaît par cœur. «Je te jure que je n’en avais aucune idée,» souffle Torrance. «Et bien, maintenant, tu sais», rétorque Isis. Quand assez c’est assez, inutile d’en dire plus.

- Texte: Haley Mlotek
- Directeur photo: Sarah Ramos
- Modèles: Laura Harrier, Vanessa Chester, Meagan Holder, Sarah Ramos
- Traduction: Andréanne Marchand Godbout
- Date: 25 Août 2020