Plus que jamais d’actualité:
adidas et Wales Bonner automne-hiver 2020
Ashley Clark sur la lignée de la résistance dans la culture caribéenne britannique.
- Texte: Ashley Clark
- Illustrations: Justin Sloane

Pour célébrer le lancement de la collaboration entre adidas et Wales Bonner, nous avons demandé à l’écrivain, critique et programmateur de films Ashley Clark d’écrire une ode à l’héritage caribéen britannique de sa famille, mis en relief avec des films et de la musique qui racontent l’histoire de la culture et de la résistance dans un style pur.
Dans l’iconique chanson de reggae roots «Jogging» datant de 1980, le chanteur jamaïcain Freddie McGregor se représente comme un sage observateur des jeunes adeptes du jogging, la nouvelle folie du jour à Kingston. Sur un rythme de basse irrésistiblement groovy – pas très efficace comme musique d’entraînement, par ailleurs (je l’ai essayé) –, McGregor observe les coureurs «faire trois tours de piste autour du réservoir Mona, et parfois deux autour de Stadium Gardens / De Trafalgar Road à Hope Road».
Le chanteur de 24 ans, converti au mouvement rastafari depuis cinq ans à l’époque, ne se contente pas d’observer leurs routines d’exercices, mais quelque chose d’une plus grande ampleur. À une période de bouleversements sociaux, où le tissu social se voit rongé par les effets du capitalisme, où le mouvement rastafari est persécuté institutionnellement et où les politiciens sont particulièrement corrompus, les jeunes «courent dans le sablon au pays de Babylone», «s’entraînent pour la guerre» et, sans même le savoir, «se préparent pour l’apocalypse». Et, comme le passage à question et réponse précédant le refrain nous en informe, ils le font «vêtus de adidas» – un look acéré sur un corps acéré.
Dans le sud de Londres, où mon père est né, en 1959, de parents jamaïcains de la période Windrush, les jeunes n’avaient nulle part où courir, mais un combat à mener. Cela est brillamment représenté à l’écran dans le film Babylon de 1980, réalisé par Franco Rosso. Ce film atmosphérique suit le jeune londonien MC Blue (Brinsley Forde, chanteur du célèbre groupe de reggae britannique Aswad) et sa bande dans la poursuite de leurs ambitions musicales, tout en luttant contre un réseau de policiers racistes, d’employeurs à l’attitude discriminatoire et de voisins partisans du Front national. L’inévitable éruption de violence, après une longue montée de la pression, est le point culminant du film.

En vedette dans cette image: chemise Wales Bonner, pantalon Wales Bonner et baskets Wales Bonner. Image précédente : blouson de survêtement Wales Bonner et blouson de survêtement Wales Bonner.

En vedette dans cette image: col roulé Wales Bonner et t-shirt Wales Bonner.
Les personnages dans Babylon sont rebelles, ingénieux et marqués par leur style: dreads, chandails de survêtement, t-shirts colorés, pantalons sur mesure, chaussures de sport flambant neuves. L’influence vestimentaire de Bob Marley (qui «a rendu adidas cool bien avant Run-DMC», selon le romancier jamaïcain Marlon James) est bel et bien là, et toujours d’actualité.
Vers la fin de 2016, j’ai organisé une projection de Babylon au Ritzy Cinema à Brixton, dans le sud de Londres – auparavant une forteresse imprenable de la communauté caribéenne britannique, qui est maintenant affligée par une vague importante d’embourgeoisement – et mon père, étant lui-même un musicien reggae, est venu. Il n’avait jamais vu le film auparavant, et quand les lumières se sont rallumées à la fin, j’ai vu des larmes couler sur ses joues. Le son, les images, le style à l’écran l’avaient transporté à l’époque où on devait constamment être prêt à faire face à toute éventualité.
Trois ans avant la projection de Babylon, j’avais emmené mon père voir un autre film: The Story of Lovers Rock, du réalisateur britannique originaire de la Barbade, Menelik Shabazz. Il s’agit d’un hommage chaleureux tant aux créateurs qu’aux amateurs de Lovers Rock, ce style de reggae soul rocksteady romantique, qui a gagné en popularité dans la scène musicale britannique à la fin des années 70 et au début des années 80. (Il se trouve que Freddie McGregor a fini, lui aussi, par se lancer dans le Lovers Rock et se l’approprier.)

En vedette dans cette image: pantalon Wales Bonner, baskets Wales Bonner, col roulé Wales Bonner, polo Wales Bonner, t-shirt Wales Bonner et chemise Wales Bonner.

En vedette dans cette image: pantalons de survêtement Wales Bonner, col roulé Wales Bonner, t-shirt Wales Bonner, baskets Wales Bonner et polo Wales Bonner.
En contraste avec la colère politique justifiée du reggae roots, le son du Lovers Rock était doux et calme, un baume après une dure journée de travail pour la communauté noire britannique. C’était un monde infusé de l’intimité de la danse, de fêtes privées, de robes scintillantes, de cols roulés en laine, de fixatif à cheveux et d’afros serrées. Jean, velours, velours côtelé. Un style caribéen avec une touche de chic anglais. (C’est ici que je dois vous dire que mon père apparaît l’instant d’une seconde dans le film – il y a un bref, mais magnifique plan de lui posant avec son propre groupe de Lovers Rock, Natural Touch.)
Le genre est sur le point de jouir d’un regain d’intérêt grâce à un nouveau film (intitulé tout simplement Lovers Rock) réalisé par Steve McQueen, lui-même né dans l’ouest de Londres de parents grenadins et trinidadiens en 1969. Ce film constitue l’une des cinq parties de sa série d’anthologies Small Axe, ambitieuse et captivante, qui se concentre sur divers aspects de la communauté antillaise de Londres, de la fin des années 60 jusqu’au début des années 80. C’est une histoire de Cendrillon qui se déroule en 1979 lors d’une fête; Lovers Rock est ainsi, en quelque sorte, le film le plus joyeux que McQueen ait réalisé. Son point culminant est une longue prise de vue hypnotique dans laquelle les invités de la fête se lancent dans une version a capella prolongée du succès de Janet Kay, «Silly Games», la chanson du genre.

En vedette dans cette image: t-shirt Wales Bonner, pantalon Wales Bonner, baskets Wales Bonner et baskets Wales Bonner.

En vedette dans cette image: polo Wales Bonner et baskets Wales Bonner.
Lovers Rock, ainsi que l’ensemble du projet Small Axe, s’inscrit dans la lignée de la culture caribéenne qui peut maintenant être appréciée non seulement par cette communauté, mais aussi par le reste du monde, incluant Freddie McGregor, Bob Marley, Babylon, Lovers Rock, sans oublier la brillante designer Grace Wales Bonner. Une culture du style, de la substance et de la résistance. Un look acéré pour faire face à toute éventualité.
Ashley Clark est un écrivain et programmateur cinématographique originaire de Londres. Il vit maintenant dans le New Jersey.
- Texte: Ashley Clark
- Illustrations: Justin Sloane
- Traduction: Magali Jolin
- Date: 1er décembre 2020