LES TENDANCES AUTOMNE-HIVER 2019 DE SSENSE: 2E PARTIE

Découvrez ce que la prochaine saison nous réserve

  • Illustration: Tobin Reid
  • Texte: L’équipe de rédaction SSENSE
  • Date: 18 juillet 2019

En mode, la saison automne-hiver est la plus importante. C’est la période de l’année qui est la plus couverte par les médias de l’industrie et la plus anticipée par les designers. Chaque campagne, éditorial et produit entre dans les pages de l’illustre et dense numéro de septembre, à jamais immortalisé dans l’histoire de la mode. À l’automne, impatients d’être couverts de vêtements – et non de sueur–, on cherche des pièces à superposer. Que vous souhaitiez raffiner votre esthétique emblématique ou complètement vous réinventer, il existe une tendance pour vous, et une histoire qui l’accompagne. Tandis que vous contemplez l’idée de vous envelopper, référez-vous à notre guide des tendances automne-hiver 2019, votre douillet compagnon. Voici la deuxième partie.

De bien beaux habits

Tout le monde a une photo favorite de Philo. Plus précisément, une image de Phoebe qui symbolise son influence chez Céline, qui capte sa signature et son génie du laisser-faire. Philo comprenait l’importance d’être confortable tout en étant beau, aux commandes, mais pas achalé. Sa femme Céline rendait le complet sport épatant, la chemise, espiègle, le manteau, dramatique. Il y avait aussi des choses simples. Comme garder ses cheveux dans son col roulé; porter un pantalon de cuir avec des Nike; poser une veste sur ses épaules, un sac sous le bras. Eh bien… il se trouve que ces choses simples reviennent, sauf qu’on va un cran plus loin. Le cuir est abondant et ample, la coupe, élaborée et expérimentale – l’utilitaire rencontre la sous-culture – et les pièces sont faites pour le long terme: savoir-faire, cohésion, garde-robe intemporelle. Pensez Lauren Hutton, Grace Jones, Bianca Jagger (toujours). Toute la garde-robe de Gwyneth Paltrow dans Sliding Doors.

Des griffes comme Jil Sander (pyjama d’apparat soyeux), Maison Margiela (allure militaire et manches feutrées), Helmut Lang (pantalon et pardessus de smoking) et The Row (costume monastique et effets rideau) nourrissent cette perspective renouvelée, cette abondance. Et de nouvelles marques, celles qui misent sur les basiques comme Ami et Kassl Editions, ajoutent un vernis d’austérité, un sens du jeu et tout un spectre de beige. Lemaire – partisan attesté de cette tendance – a conçu une collection automne-hiver 2019 remplie de manteaux ceinturés, de pantalons à taille haute, de cols à pointes exagérées et de teintes d’écru, d’anthracite et de vert cuivre. La gentlewoman Lemaire, c’est un vêtement de travail western sur Katharine Hepburn.

Glorifié comme une réponse au départ de Philo de chez Céline, le défilé Bottega Veneta inaugural de Daniel Lee était complètement à son image. Il a réinventé le tissage Intrecciato tout en célébrant l’héritage chargé de la marque. La vision de Lee est limpide, intelligente, discrète. Ses créations semblent étrangement insonorisées: cuir piqué, pulls à encolure échancrée. Ce sont les vêtements du futur de la garde-robe qui mise précisément sur cela: le futur.

La jungle en folie

À notre avis, l’imprimé léopard ne sera jamais démodé, il est donc quelque peu redondant de déclarer, pour la 100e fois: «les ocelles sont de retour!» En fait, ils ne sont jamais partis. Pour l’automne-hiver 2019, Sacai a présenté l’imprimé léopard en trois façons, dans un ensemble collage qui comprend un blouson d’inspiration militaire, un short en duvet léopard et des chaussettes à ocelles assorties. Mais cette saison, il semble que la jungle toute entière a été invitée à la fête. Nous avons vu les tigrures chez Kwaidan Editions, sur des tricots jaunes décontractés et des manteaux flamboyants à couper le souffle. On les a aussi vues chez Marni, sur de la fourrure de couleur surnaturelle, ludique, du bleu au rose. Et Dior Homme y est allé d’une rayure de tigre encore plus duveteuse. Mais la palme va au motif zébré. Neil Barrett a mis les rayures caractéristiques du mammifère sur une chemise, pour une touche de nature sauvage – là on parle. Saint Laurent a offert aux zébrures de ses mini-jupes un traitement rave avec un jeu de lumière les révélant dans toute leur splendeur. Mais Vetements, avec les statues du mammifère dans le décor de son défilé automne-hiver 2019, l’emporte dans la catégorie zèbre réaliste. Nous entrons dans la saison de l’animorphe.

Baskets tout-terrain

Les baskets dominent le jeu de la chaussure, mais il est raisonnable d’affirmer qu’aujourd’hui les gens sont plus que jamais conscients de leur empreinte stylistique – et environnementale. La partie supérieure de la basket reçoit traditionnellement toute l’attention, mais, par les temps qui courent, la semelle n’est pas en reste. En cette saison automne-hiver 2019, de Salomon à Hoka, tout le monde est chaussé pour la randonnée – et non pas pour une balade jusqu’au café du coin. Les baskets tout-terrain dotées de semelles pensées pour la poussière, les racines et les rochers sont les nouveaux basiques – ce qui en dit long sur notre relation déclinante avec la nature. «C’est définitivement rétro, ce qui est tout à fait approprié, écrivait Zoë Schlanger sur la tendance du citadin qui embrasse le vêtement de plein air, c’est rétro de la même manière que la contrée sauvage est rétro». Réfugiez-vous donc à la montagne avec vos Lanvin, Li-Ning, Off-White et Asics.

Moncler

Monsieur Michelin – cette figure emblématique s’apparentant à une pile des meilleurs vendeurs de la marque – domine l’industrie pneumatique française depuis plus d’un siècle. Mais cette année, le personnage exagérément gonflé est investi d’un nouveau rôle, celui d’influenceur incontournable dans le milieu de la mode. De l’interprétation de Off-White rose pastel portée par Offset pour le défilé automne-hiver 2019, au flot infini de collaborations Moncler – qui ressemblent plus à des sacs de couchage ambulants qu’à des vêtements d’extérieur –, les silhouettes gonflées à l’excès sont désormais de toutes les garde-robes. Conçue pour protéger de la rigueur extrême des grands espaces tout en évoquant le confort de l’hibernation sous des tonnes de couvertures à la maison, la doudoune, ça ne surprendra personne, est la pièce maîtresse de la saison. Comme Monsieur Michelin en personne l’a déjà dit, ce look (notez qu’il faisait référence à sa composition de caoutchouc) «boit l’obstacle!»

Studio d’art

L’automne-hiver 2019 nous invite dans le monde des arts – non pas comme dans l’art de la table, mais carrément dans le département d’art plastique –, auprès de gens qui, avec un brin d’ingéniosité créative, transforment quelque chose d’ordinaire en quelque chose d’absolument convaincant. Ça inclut la tenue recouverte d’éclaboussures résultant du travail acharné de l’artiste autant que le fruit insoupçonné de ses efforts créatifs. Les défilés de New York et Paris ont révélé des looks qui rappelaient les blouses de peintre, luxueuses, pleines de couleurs – comme chez Charles Jeffrey Loverboy ou chez Balenciaga, avec le sac à main en papier sur lequel on semble avoir peint des bonhommes sourire au pistolet. Chez Collina Strada et ASAI, nous avons vu la palette de l’arc-en-ciel et des motifs teints par immersion. Alors qu’Ashish a présenté un look crochet de grand-maman et des jeans à effet DIY, Craig Green a trouvé une façon de créer une sensation de luxe avant-gardiste avec du plastique ruché et smocké. En cet automne-hiver 2019, la mode se retrousse les manches et ne craint pas de se salir les mains.

Château fort

Des forces extérieures sont à l’œuvre quand nous choisissons les structures desquelles on s’entoure. Gardien de la noblesse et de la royauté, le château fort protégeait les gens importants, et gardait les ennemis à distance. Et l’histoire se répète à travers nos choix vestimentaires – cette saison, on opte pour le gris, le structural. De Off-White à Helmut Lang, de Dries Van Noten à Acne Studios, les silhouettes angulaires impartiales et neutres s’inspirent des robustes forteresses qui ont marqué l’histoire. Fortifiés, nous sommes protégés de cet inconnu assis juste à côté de nous dans l’autobus ou de l’attention inopportune qu’une teinte audacieuse pourrait susciter. La réponse de la mode à cet avenir incertain est angulaire et grise. En cet automne-hiver 2019, chacun devient sa propre forteresse.

  • Illustration: Tobin Reid
  • Texte: L’équipe de rédaction SSENSE
  • Traduction: Geneviève Giroux
  • Date: 18 juillet 2019