L’heure Taco débute à 1 plombe du mat

Mes amis intimes, ma famille — en fait, c’est fifty-fifty entre Travis et Taco.

Non. Pas du tout. Mais je peux vous dire que si j’arrive quelque part et que quelqu’un crie «Taco», je ne me retournerai pas aussi souvent que si la personne avait crié «Travis». Si quelqu’un crie Taco, c’est probablement quelqu’un avec qui j’ai pas envie de traiter.

En général, je réponds que je suis DJ, parce que c’est la façon la plus simple de présenter les choses. Cependant, y’a toujours quelqu’un qui veut quelque chose; quelle que soit la ville où la personne se trouve et, ça peut avoir l’air louche, mais, je veux dire, genre, elle cherche un guitariste, ou veut une pièce avec quelqu’un d’autre, ou aime une marque dont elle ne connaît que dalle, il se peut que j’aie des relations. J’ai un assez vaste réseau, alors c’est facile d’aider quelqu’un avec un bordel du genre. Je le fais par amour du demandeur.

Non. J’ai effectivement grandi dans un cercle plus âgé. Je faisais des trucs d’ado à 9 ans. Mes amis étaient tellement plus vieux que moi que mes parents répétaient sans cesse : «Ce sont tes amis, ça? Pourquoi tu traînes avec ce vieux croûton?» Nous discutions de nos intérêts communs. J’en ai tant appris qu’en vieillissant, mis dans le même bain, je me disais : «Oh! Ils ont pris une mauvaise décision sur ce coup-là. Laisse-moi réviser ma putain de position.»

J’ai appris à pas me la péter. Tyler me l’a martelé depuis le premier jour. Pas de frime. «J’veux pas voir un cliché de toi jetant de l’argent en l’air sur Instagram. C’est ainsi que les gens se font voler.» Il me conseillait d’économiser, de ne pas faire ceci, cela; ne prends pas un appart, achète une maison. Je suis reconnaissant d’avoir expérimenté ainsi, d’avoir profité des enseignements de mes potes plus vieux.

La dernière fois, c’était à un concert de Syd. Ce soir-là, nous avions programmé un deuxième spectacle, car il y avait trop de monde qui attendait dehors, et pendant l’une des chansons, elle a lancé :«Dites mon nom.» et toute la foule s’est écriée : «Kyd!» C’était vachement marrant, comme toutes les fois. À la fin, c’était le truc le plus fort du monde, et je rigolais, mais je versais des larmes, que j’ai fait passer pour «rire aux larmes».

J’ai pleuré en rencontrant Kobe. Je pleure chaque fois que j’entends Jay-Z jouer Big Pimpin’. Je pleure chaque fois que je vois Birdman faire Still Fly. Pour mes 20 ans, Lil Wayne m’a fait écouter un album — inédit — et m’a lancé: «C’est ma dernière chanson, à partir de maintenant je vais faire le lard sur une plage quelque part.» Et moi de lui répondre : «Non, mec, fais pas ça. Ne la joue pas, je vais pleurer.» Et il se met à rigoler. Il l’a jouée, et il a fallu que je sorte de la pièce.

Ce sont des petits trucs qui te transforment, pourtant. Quand un gamin s’approche de moi et sait qui je suis, ça m’allume davantage que si c’était un gros bonnet. Enfant, mon quartier grouillait de monde. Je voyais tellement de gens à ces soirées, et la façon dont les gens réagissaient quand je les abordais a vraiment chamboulé ma vie, à l’époque. Je me rappelle n’avoir que 9 ans et m’approcher d’Andre 3000 et de lui dire un truc du genre «Je t’aime tellement», et lui de me répondre «Merci», et nous deux de discuter un moment. Alors qu’avec Kevin Garnett, ça a été tout le contraire. Il s’est conduit comme un con avec moi, et ça a changé l’image que je me faisais de lui à jamais. J’aime son jeu au basket, mais comme homme, je l’emmerde. J’avais 12 ans, et il s’est conduit comme un enculé.

Je crois que plus t’es célèbre, plus t’es gentil. La personne la plus gentille du monde est la personne la plus célèbre du monde.

Je l’emmerde! Il râlait à propos d’une chiure quelconque sur Twitter et j’ai écrit un truc du genre : «Pourquoi tu te plains? On dirait une gamine de 13 ans.» Et il m’a bloqué. Chaque fois que je le croise, il essaie d’être super sympa, mais c’est genre, mec, tout ce que je veux c’est te foutre une baffe à te sortir de tes pompes. Basta. Je m’en tape, à un point!

Je ne prends pas le manque de respect à la légère. Surtout quand ça vient de quelqu’un en position de pouvoir. J’admire tout son mouvement et ce qu’il a accompli, mais je l’emmerde en tant que personne. Il existe une loi universelle du retour du balancier, et je crois qu’il a probablement un truc qu’il ne peut régler avec du pognon, et ça va le marquer à vie. C’est bon, parce que j’ai confiance en moi, et ma vie est O.K. La vie est géniale, en fait.

J’étais à une soirée quand j’ai hérité du surnom Taco. Nous avons fait une bataille de boules de neige, en plein cœur de L.A. On était en décembre, et il n’y avait aucune trace de neige, mais pour Noël, dans des quartiers, des gens ont utilisé de la glace pour décorer l’avant de leur maison pour leurs enfants. On a volé de la neige, et on a lancé une bataille. Nous étions à une soirée, et ces hélicos débarquent. Tout ce dont je me rappelle, c’est de lever la tête et d’apercevoir un spot éclaboussant la cour arrière, et tout le monde de chercher à être au centre du faisceau, en soulevant sa chemise et en hurlant ou en dressant son majeur. Six d’entre nous ont sauté à bord de la première voiture de Jasper. On a entendu un «Ahhh!», on s’est retournés et on a vu deux chiens pourchassant un mec.

Le soir, j’ai les idées claires. Le jour, je suis déchiré, j’ai toujours quelque chose de mieux à faire. Un lundi, à 1 heure du mat, personne n’est debout. C’est à ce moment-là que je fais tout ce que j’ai à faire. C’est là que je m’assois pour écrire ou que j’essaie d’apprendre quelque chose. Le matin, tu t’éveilles avec les souvenirs de ce que tu faisais la veille, avant d’aller au lit, et ça s’imprime dans ton cerveau. Plutôt que de tout apprendre pendant la journée, alors que t’es distrait en te demandant ce que font tes potes, au bout de la rue.

L’heure Taco se situe entre 1 et 5 plombes du mat.

J’essaie de ne rien publier de ma maman sur Instagram. Et j’essaie de préserver mes petites amies. C’est pas mal tout, en fait.

Non, je ne suis même pas sûr qu’elles le sachent, alors on s’en tape. Je suis déjà sorti avec des filles qui ont vu des trucs que j’avais publiés y’a belle lurette et qui me disaient, genre : «C’est quoi ce putain de truc? Quand t’as publié ça?» En général, elles sont flattées, car peu de monde ferait ça. Rien à foutre, je la trouve mignonne et quand je la rencontre je vais lui dire. Parler aux autres, ça insécurise les gens. Moi aussi j’ai ce trac, mais je me challenge et me dis allez putain! va engager la conversation. Au pire, on va me trouver fou, et se casser. La vie continue, et je n’y repense plus.

Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un truc à la N.W.A. ou à la Wu-Tang. Les gens vont affirmer un tel est le nouveau Kobe Bryant, ou le nouveau Michael Jordan, ou le nouveau LeBron James. Nous étions les premiers de notre espèce – des gens qui font comme bon leur semble. Des connards ne juraient que par un style. Nous avons ouvert les horizons de tous pour qu’ils observent le monde un peu différemment.

On était les premiers gamins noirs de cette génération à clamer : « Nous sommes différents, et c’est O.K.» On s’en fout, tout simplement! Tout le monde aime bien affirmer qu’il s’en tape, mais en vérité ils ne s’en tapent pas. Pas de temps à perdre avec tes conneries dont on n’a rien à battre. On te donnait toujours l'impression d'être le dindon de la farce.

D’aucuns pensent que les gens sont quasi déshumanisés. Tout le monde se torche le cul, au final. Y’a que des gens normaux, ici.

Les gens traitent les autres comme des produits, et c’est ça qui me déplaît. C’est dégueu – traiter l’humain comme un produit, c’est vraiment sordide. Les connards pleurent, les connards sourient, les connards se fâchent. Total, ce que j’ai appris dans la vie, c’est reste fidèle à tes principes et sois pas un enculé. C’est tout. Sois toi-même, sois pas un enculé, et, ah oui : sois pas bizarre.