Cinéphiles: lunettes de soleil

Les montures au cinéma avec Dior,
Saint Laurent et Dries Van Noten

  • Texte: rédacteurs SSENSE

Cinéphilie est le terme servant à décrire la passion, quasi fétichiste, pour le cinéma. Nos cinéphiles ont donné libre cours à leur passion afin d’analyser l’utilisation d’un accessoire ou d’un vêtement dans un film choisi.

Aujourd’hui, on discute lunettes de soleil – foncées, claires, géantes, minuscules, délicates, massives… Bien que leur rôle fondamental soit de protéger nos yeux des rayons ultraviolets, les lunettes de soleil, certes subtilement, perpétuent l’esprit de leur histoire respective. Elles vous permettent de passer incognito quand vous souhaitez être discret, vous protègent des éléments quand vous plongez en chute libre et sont une barrière entre vous et une première date horrible. Certaines lunettes, même si elles cachent les yeux, cherchent l’attention, elles semblent crier «Regardez-moi!», et d’autres se fondent dans le personnage au point d’être moins visibles que les lacets d’une chaussure. Dans cet éditorial, les rédacteurs SSENSE examinent l’esthétique de lunettes de soleil qui sont à la fois intemporelles et transitoires.

En vedette dans cette image : lunettes de soleil Tom Ford.

SICARIO 2 (2018)

Sicario, réalisé par Denis Villeneuve et sorti en 2015, est un film d’action presque parfait – on oserait même dire aussi parfait que Heat de Michael Mann. Sicario 2 était ainsi l’un des films d’action les plus attendus de l’été par les fans de l’histoire. Dans celui-ci, Benicio del Toro interprète toujours Alejandro Gillick, un mercenaire impitoyable au passé tumultueux. À l’écran ou pas, Benicio a cette façon inimitable d’être cool, un peu comme Keanu. Les lunettes Izod raffinées à monture argent qu’il porte dans Sicario et celles aérodynamiques à teinte foncée dans Sicario 2 servent uniquement à renforcer sa magistrale désinvolture. L’antihéros Alejandro Gillick de Benicio est une légende naissante et les lunettes font partie intégrante de l’équation: pragmatique et insaisissable.

En vedette dans cette image : lunettes de soleil Saint Laurent.

SET IT OFF (1996)

Ce film était vraiment en avance sur son temps. Le drame de 1996 raconte l’histoire de quatre meilleures amies, quatre femmes qui refusent de rester à la merci de leur réalité et qui feraient tout l’une pour l’autre. Leur humour, leur force et leur complicité font leur style, qui est simplement parfait, et c’est aussi comme ça, naturellement, qu’elles cheminent vers la prochaine étape de leur amitié: le braquage de banques. Plutôt que des masques, elles portent des lunettes de soleil assorties, une décision pour le moins culottée. Cleo, Stony, Frankie et T.T. savent comment organiser un coup, même sous une énorme pression. Quand on y pense, c’est à ça que servent les lunettes de soleil.

En vedette dans cette image : lunettes de soleil Gucci.

MINNIE & MOSKOWITZ (1971)

Gena Rowlands incarne Minnie Moore dans le film de 1971 réalisé par son mari John Cassavetes, Minnie and Moskowitz. Elle est si fascinante et élégante – triste, aussi – elle a peut-être même redéfini le sens du mot désabusé. Elle dit des choses comme «Les films sont des conspirations. Ils peuvent vous faire croire… n’importe quoi». Minnie est optimiste quand elle allume une cigarette. Elle est complètement morte à l’intérieur quand elle allume une cigarette. Elle est comique, aussi, quand elle allume une cigarette. Rowlands arrive à faire passer une foule d’émotions sur son visage. Son jeu est sublime – merveilleux, tellement, tellement merveilleux –, son visage est à moitié caché par ses lunettes de soleil surdimensionnées et octogonales, elle semble sous sédatif, complètement ailleurs. Elle porte ces énormes lunettes, comme si elle était à des funérailles, alors qu’en réalité, elle est à un rendez-vous romantique. Ou rencontre sa belle-famille. Ou se protège simplement du soleil perpétuel de L.A. et de la nécessité de paraître en contrôle, soignée. Comment faire le deuil d’une terrible relation sous le soleil de L.A.? Comment jouir du plaisir intime d’une glace à deux heures du matin? Comment répondre à la plus simple, mais ô combien terrifiante question: «Comment vas-tu?» Comment trouver la force de réintégrer le monde quand on a le cœur brisé? Rowlands est une merveille dans ces lunettes qui couvrent son visage, tout en révélant son humeur – une humeur possiblement changeante. Un temps plus heureux pointe à l’horizon. Les lunettes de soleil ne sont que provisoires. Elles lui donnent un peu de temps, un peu d’espace. Elles la préparent à croire, de nouveau, à n’importe quoi. Peut-être.

En vedette dans cette image : lunettes de soleil Dries Van Noten.

BIG DADDY (1999)

Entre autres choses, les acteurs jumeaux ont défini les années 90. Les mignons petits garçons blonds ont défini les années 90 (un film et un moment télévisuel qui appartient à Jonathan Lipnicki de Jerry Maguire). Une petite paire de lunettes de soleil carrées a défini les années 90. Ces trois tendances sont toutes apparues la même année, en 1999, alors qu’on s’apprêtait à changer de décennie, alors que Dylan et Cole Sprouse s’échangeaient la vedette dans Big Daddy, jouant tour à tour le rôle de Julian, cinq ans, aux côtés d’Adam Sandler. Dans ce film, Sandler (que les frères Sprouse considèrent toujours comme une influence importante et un modèle) incarne Sonny, un bon à rien qui décide d’adopter l’enfant de son coloc absent pour prouver à son ex qu’il peut être responsable. Son approche parentale est merdique, certainement non conventionnelle, mais se développe un lien on ne peut plus adorable entre eux. «Tu vois ça ici? Ce sont des lunettes magiques, OK? Quand tu as peur, tu les mets et tu deviens invisible», explique Sonny à Julian. Et juste comme ça, il met ces montures tendance-démodées 90 sur le visage du garçon. Invisible.

CHUNGKING EXPRESS (1994)

«Je voulais qu’on reste ensemble, que ce soit comme un très long vol. Mais la destination a changé», dit Cop 663 au sujet de sa relation difficile avec une agente de bord. Comme le titre le suggère peut-être, Chungking Express a tout à voir avec le mouvement. La façon dont notre existence – ou même notre identité – est en perpétuel changement, alors que nos bras frôlent ceux des étrangers, qu’on avance dans la vie, et qu’on partage l’espace (parfois involontairement). Faye est une serveuse dans un petit resto de Hong Kong qui rêve de Californie. Elle flirte avec un de ses clients réguliers, Cop 663. Le film se termine avant même que l’amour prenne forme, pourtant, l’amour semble avoir déjà été. Une suggestion éthérée que quelque chose arrive temporellement, comme les montures blanches translucides de Faye.

En vedette dans cette image : lunettes de soleil Saint Laurent.

GREASE (1978)

Comme Ja Rule et Ashanti l’ont confirmé dans le vidéoclip de «Mesmerized», Grease, le magnum opus de 1978, nous a donné la plus grande leçon sur l’amour: comment avoir et garder l’attention de son amoureux. Selon le groupe de filles emblématique du film, The Pink Ladies, la clé est de commencer par un geste simple, et nécessite une paire de lunettes de soleil. Que vous les glissiez au bout du nez pour regarder longuement l’être aimé ou bougiez de façon odieuse, les sourcils relevés, comme pour insinuer que quelque chose est bizarre, les lunettes ont le potentiel de jouer un rôle dans la reproduction humaine. Donnez une nouvelle dimension à l’émoji yeux en cœur, séduisez votre béguin avec des lunettes de soleil Lou Lou de Saint Laurent

En vedette dans cette image : visière Dior.

MISSION IMPOSSIBLE: FALLOUT (2018)

Si l’on en croit la bande-annonce du sixième opus de la série de films, l’édition 2018 de Mission Impossible, Fallout, livre la marchandise: il y a du bruit, de la vitesse et de l’action, au point de frôler l’absurde. Un des moments cruciaux du film est celui où Tom Cruise s’engage seul dans une «aventure risquée», en réalisant une chute libre prolongée. Il est le premier acteur à faire cette cascade lui-même, et ce n’aurait peut-être pas été possible sans son casque fait sur mesure, lequel, selon une brève vidéo promotionnelle consacrée à ses fonctions spéciales, «sert à la fois d’accessoire et de protection qui peut vous sauver la vie». C’est là que ça devient intéressant. Les attributs susmentionnés ne sont pas réservés aux costumes de célébrités qui font des sauts en parachute, Dior nous propose aussi un accessoire qui fait un peu les deux. Il est tape-à-l’œil et vous protège à 100% des coups de soleil. Est-ce une visière? Des lunettes de soleil? Peu importe, on voit à travers et il offre une protection UV. Vous ne pourriez peut-être pas sauter en parachute ou prévenir l’hypoxie, mais vous pourriez vraisemblablement piloter une moto à vive allure, sans être trop dérangé par le vent qui vous fouette violemment le visage, pour vous rendre au cinéma et voir Tom le cascadeur faire exactement la même chose que vous.

  • Texte: rédacteurs SSENSE