Contrapposto contemporain

Influence possible de la technologie sur une pose classique.

  • Texte: Rebecca Storm
  • Photographie: Rebecca Storm

Dans l’art occidental classique, le contrapposto était utilisé pour communiquer une émotion; une aura de calme, de sérénité ou de tourment. C’est dans cette célèbre pose que Botticelli a dépeint sa Vénus et Michel-Ange, son David. Aujourd’hui, notre façon de communiquer s’entremêle tout naturellement avec la machine. Ce que d’aucuns pourraient qualifier de mauvaise posture ne serait en fait, selon d’autres, que le résultat de notre corps s’appuyant inconsciemment sur la technologie pour le soutenir.

Dans un essai publié en 1984 intitulé Manifeste Cyborg, Donna Haraway déduisait qu’ « en notre époque, cette période mythique, nous sommes tous des chimères; des hybrides théorisés et fabriqués, mi-machines, mi-organismes. » Contrairement à bien des concepts futuristes – qui ont la fâcheuse tendance de mal vieillir –, cette déclaration a gagné en pertinence avec le temps. Comme toute fluctuation opérant au sein d’un système de croyances, nos identités physiques ont peu à peu commencé à s’adapter à leurs nouveaux appendices technologiques. Notre besoin de stimulation constant a fini par remodeler la silhouette humaine.

La vision obscène de votre propre double menton vous prend par surprise lorsque vous activez le mode « selfie » de votre téléphone par mégarde. Chaque jour, vous devez essayer de taper vos textos à une main tout en essayant de soutenir votre poids sur un seul coude. Les téléphones s’invitent à table. Nous nous embourbons dans un réseau de fils d’écouteurs dans le bus. Au lit, nous jouons les équilibristes pour faire tenir notre ordinateur portable sur notre poitrine. Sommes-nous devenus de simples conduits au service des machines, ou les limites de notre corps sont-elles la seule chose qui nous oblige désormais à conserver une certaine autonomie?

La modèle porte un pull J.W. Anderson.

La modèle porte une robe Kwaidan Editions.

Le modèle porte un body Martine Rose.

Rebecca Storm est photographe et rédactrice pour SSENSE. Elle écrit aussi pour The Editorial Magazine.

  • Texte: Rebecca Storm
  • Photographie: Rebecca Storm
  • Stylisme: Charlotte Ghesquiere
  • Coiffure et maquillage: Andrew Ly / Teamm Managament
  • Modèles: Chloé Chauvet, Terrance Richard / Faces Mgmt