Mille-feuille : la sempiternelle saison des couches
Sur le cuissard de la Princesse Diana, l’histoire de l’art, la NBA et la trempette à sept couches
- Texte: rédaction SSENSE
Les oignons ont des pelures. Les ogres ont des pelures. Tu me suis? Nous avons tous les deux des pelures - Shrek
En février dernier, Demna Gvasaliav a fait défiler des mannequins avec des blousons hybrides – des pelures et des pelures de manteaux pour le froid pérenne (ou pour les ironistes de la mode). En y pensant bien, à peu près tout est fait de couches. Le corps humain, la planète terre. Mais aussi les ogres, les oignons, les meilleurs desserts. Couches littérales et couches métaphoriques. Ironie. Comédie. Les couches que l’on épluche pour révéler quelque chose de neuf, quelque chose de frais. Ici, les rédacteurs de SSENSE considèrent les couches sous toutes leurs formes.

Trempette à 7 couches
Le fromage rappé est moins excitant s’il n’est pas fondu. À moins d’être trop impatient pour attendre que votre pizza surgelée soit prête, vous ne devez pas en manger souvent. Cela dit, si vous avez déjà visité les hauts lieux de la trempette, il y a fort à parier que la scandaleuse sept couches ne vous est pas étrangère. Malgré cette addition bizarre de fromage non fondu, elle est franchement délicieuse, principalement à cause du parfait équilibre entre les sept saveurs et textures. Une confirmation de la force du nombre – et de la diversité. Il y a tant à dire sur ce qu’on peut créer en mariant divers éléments. Et le phénomène ne se limite pas qu’à la bouffe; la joie évidente de multiplier les couches réside dans la possibilité d’affronter une myriade de situations en simultané. Mais, pour être gage de succès, les couches doivent collaborer. Un t-shirt assorti de mitaines est aussi esthétique qu’un plat d’oignons verts tranchés est appétissant – l’effet dépend de l’ensemble. Réunis, les éléments disparates synthétisent la polyvalence, tout comme les ingrédients disparates engendrent l’insondable délicieux. Les couches nous rappellent qu’un tout – plat ou style – n’est rien sans l’harmonie de ses composantes.

Le t-shirt sous le maillot des joueurs de la NBA
L’esthétique sportive de la NBA au 21e siècle est marquée par la technologie des tissus extensibles, que ce soit les leggings de compression sous le short ou les manchons popularisés par Allen Iverson au début des années 2000. Une sensation d’être superbement surhumain, un détail que les jeunes du secondaire et sur les terrains de jeu à travers le monde adoptent pour invoquer le héros en eux ou pour revêtir des habiletés qu’ils ne développeront peut-être jamais. Les joueurs de la NBA arrivent à subvertir ce look en portant un t-shirt sous leur maillot. Style propre aux joueurs des écoles secondaires et universitaires, il renverse l’image du jeune-habillé-comme-un-pro. Il évoque une timidité niaise et attachante. D’une certaine façon, il donne à un Draymond Green de 2 m et 104 kg l’air d’un petit gars.

Gene Hackman dans Scarecrow
« I'm a cold-blooded bastard. I can never get warm enough, » déclare Max, l’ex-détenu bourru incarné par Gene Hackman dans ce drame de vagabondage de Jerry Schatzberg, Scarecrow (1973). Au cours d’une séquence, devant la co-vedette du film – un jeune Al Pacino dans le rôle de Lion, un ancien marin dont l’humour incroyablement chaleureux ne manque pas de nous séduire –, Max se prépare à aller au lit. Les deux vagabonds qui viennent à peine de se rencontrer partagent une chambre dans un hôtel miteux, où ils se racontent leur histoire, ils rigolent, ils apprennent à se connaître, en fait. Alors que l’harmonie n’est pas encore au beau fixe, Max et Lion se sentent temporairement condamnés l’un à l’autre, désespérés de retrouver leur vie respective. C’est ainsi qu’ils sont malgré eux témoins de leurs rituels respectifs les plus intimes. Et celui de Max consiste en cette étrange habitude de porter des dizaines et des dizaines de vêtements. Avant de se coucher, comme s’il épluchait un oignon, Max déboutonne chemise après chemise, s’extirpe de ses pulls et cardigans. Pour un instant, ce géant renfrogné devient sympathique, et pas seulement à cause de sa façon quasi cérémonieuse de se dévêtir chaque soir, mais parce qu’il est étrange de voir quelqu’un de si grand et acariâtre souffrir de problèmes de circulation.

Faire le lit
Accomplir une tâche d’enfant, alors qu’on est adulte, a l’effet d’une petite victoire – comme penser d’apporter un lunch ou de ramasser son linge sale. Mais rien n’est plus satisfaisant ni plus somptueux que de rabattre les draps d’un lit frais fait. Martha Stewart le sait très bien. En fait, elle jure que sa technique vous fera dormir comme un « bon bébé ». D’abord, un matelas en crin de cheval sur lequel on étend une couverture en laine de mouton. Ensuite, un drap-housse, puis un drap immaculé soigneusement plié aux coins inférieurs. Et, bien sûr, finalement, la meilleure, la plus jolie, la plus douce des couettes. Même si vous avez des draps en coton égyptien ou la literie papier que vous aviez aux résidences universitaires, c’est le principe qui compte. « Allez au lit, faites une sieste, regardez la télé, lisez un livre ou profitez d’une bonne nuit de sommeil », vous dit Martha. Offrez-vous confort – et fierté.

Peindre des icônes
On sait peu de choses sur le célèbre artiste siennois Pietro Lorenzetti, mais nous osons croire qu’il était patient. Ses toiles, peintes entre 1306 et 1345, existent toujours – preuve d’une rigoureuse technique. La méthode de base pour assurer l’adhérence de la peinture est d’appliquer couche par couche la bonne quantité de colle et de peinture. Nous avons consulté un expert en restauration d’œuvre d’art pour comprendre comment ces œuvres ont été créées à l’époque. Voici donc la peinture d’icônes selon la technique traditionnelle italienne pour les nuls.
1 Sur un tableau de bois préparé, appliquer une couche de colle au baquet, attendre qu’elle sèche.
2 Appliquer une couche de Gesso Grosso (ou gesso gras/gesso épais), un mélange de colle et de gypse.
3 Appliquer une couche de colle Gesso Sottile (gesso fin).
4 Une fois que toutes les couches sont sèches, dispersez le spolvero, une poudre de carbone servant à sécher le gesso par une technique de transfert au poncif du dessin original, avec des trous servant de guide.
5 Appliquer ensuite le Bole, pour délimiter la dorure.
6 Appliquer le pigment, soit un tempéra qui est un mélange de jaune d’œuf, de vinaigre et de pigments en poudre.
7 Enfin, les feuilles d’or.

Cuissard
La folie de la danse aérobique hyperactive, joyeuse et moulante des années 80 a hissé les vêtements d’entraînement et les superpositions absurdes au sommet de la mode. Culotte de coupe française sur leggings, soutien-gorge sport comme haut, t-shirt coupé sur body, jambières sur bas de nylon. Il y avait toujours quelque chose de plus serré à porter sous quelque chose de serré, et le plus serré de tous : le cuissard. Il va sous tout, même sous les sous-vêtements. Aujourd’hui, avec le retour des années 80, celui inspiré de Lady Di et obsédé par le bien-être, il est tout à fait approprié de superposer les couches et d’avoir l’air de sortir d’une séance de spinning, même si la seule activité qui a fait augmenter votre rythme cardiaque est votre petite course entre la voiture et l’épicerie bio.
- Texte: rédaction SSENSE