Les tendances masculines printemps-été 2017

Eau de rose

Alors que depuis des décennies, cette teinte est associée au pouvoir de la séduction et à l’assurance qui peuvent nous faire monter le rose aux joues, les nuances rosées ont développé leur propre charme et ont plus que jamais de quoi faire rougir. Demeurer insensible aux aléas de l’existence est tout sauf sexy. Alors que votre visage pâlit à l’idée des changements climatiques qui menacent la planète ou de votre douce moitié qui ne répond pas à votre texto, une touche de rose ne vous ferait pas de mal. Du vermeil à l’incarnadin, cette saison, nous voyons la vie en rose.

Détournement

S’il n’y a rien à créer, détruisez. Utilisé comme méthode de propagande culturelle par les situationnistes français, le détournement a stigmatisé la notion de disruption. Mais comme Picasso l’a dit : « Tout acte de création est d'abord un acte de destruction. » Bien qu’il ne cherchait peut-être qu’à rationaliser la nature destructive de sa phase « cubisme synthétique », il avait là un bon point. Un point qui nous amène à jeter un second regard aux denims éclaboussés d’eau de Javel, aux flanelles peintes à la main et autres dérives vestimentaires. La destruction ne consiste désormais plus à démolir les choses, mais bien à les reconstruire.

Un homme à la mer

Les introvertis ont la vie dure : ces incompris s’autodiagnostiquent après être tombés sur un article douteux, puis s’inquiètent dudit diagnostic, avant de répéter ce cycle infernal. Avec ses représentations nautiques astucieuses, Thom Browne pourrait bien être la bouée sociale qui vous aidera à garder la tête hors de l’eau. Vos pairs maintiendront une distance respectueuse – ou du moins, si quelqu’un se risque à vous tirer vers le fond avec une conversation superficielle sur le prix de l’essence ou la météo, vous pourrez vous raccrocher à l’idée que vous n’êtes pas condamné à vous noyer à jamais dans ces causeries futiles. Dites bonjour à votre nouveau sauveteur.

La casquette à papa

Bien que la médiocrité semble être le dénominateur commun de la plupart des vêtements traditionnellement associés aux papas (pensez pantalon kaki et chandail de golf), la casquette fait exception. Aussi simplets que puissent être les messages qui y sont brodés, le fait de les porter est en soi un acte d’autoréalisation assumé. Transcendant l’essence de votre parentalité, vous inspirez confiance, répandez vos paroles de sagesse et instaurez des traditions, tout en riant de vos propres blagues douteuses. Comme l’a démontré la collection automne-hiver 2014 de Raf Simons, votre influence est aussi puissante qu’indéniable. Cette saison, c’est papa qui décide.

Tongs tout terrain

Dans une société qui nous en demande toujours plus, la détente est devenue le luxe suprême. Quelle que soit votre façon de vous évader, que ce soit en prenant la route, en vous prélassant au bord de la piscine ou en méditant, votre uniforme de relaxation devrait d’abord et avant tout vous offrir confort et aisance. Alors que l’environnement définit ce qui est considéré comme une tenue socialement acceptable ou non, l’opulence nonchalante d’une chaussure ultrarelax – comme les tongs – peut sembler hors de portée. Osez défier le code vestimentaire et portez-les sans vous soucier de l’occasion, à la façon vacancier rebelle.

Blousons-souvenirs

Pour un vêtement qui se veut joyeusement tendance, le blouson-souvenir a un passé plutôt lourd. Mêlant l’iconographie orientale et occidentale, les blousons de soie style aviateur étaient originalement portés par les soldats américains qui occupaient le Japon dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Ceux-ci étaient personnalisés et ensuite conservés en tant que souvenirs de cette époque. Plus tard, les jeunes Japonais se les sont réappropriés en signe de rébellion face à l’histoire de l’occupation américaine. Alors, que cela signifie-t-il que d’y broder un quelconque motif fantaisiste? Peut-être rien – l’avenir le dira. Signifiant à la fois la défaite d’une nation et la victoire de son adversaire, le blouson-souvenir contemporain n’en demeure pas moins fidèle à ses origines et évoque toujours une tension symbolique.

Ourlets à l’état brut

Votre peur de l’engagement est-elle si intense qu’elle vous empêche même d’aller jusqu’au bout de vos ourlets? Qu’elle soit justifiée par la renaissance du DIY, par une affinité pour le chaos ou par une pénurie de bons tailleurs, la tendance de l’ourlet grossièrement coupé et effiloché s’affirme tel une ode à l’inachevé. Ces extrémités floues et ces contours indéfinis recèlent un potentiel certain. Leur côté brut fait leur force : quand on est déjà abîmé, on n’a plus rien à craindre.

Vélocité suggérée

Le style athléchic, qui s’est répandu à une vitesse fulgurante à travers l’Amérique du Nord au cours des dernières années, traduit ostensiblement une volonté d’être toujours prêt à courir, à décoller ou à piquer un sprint. Cette suggestion lifestyle suppose une capacité de se dépasser, mais suggère aussi le luxe d’un mode de vie parfaitement décontracté. Les baskets Margiela puisent dans cette tendance en imbibant de peinture une silhouette traditionnellement associée à la course, la destituant ainsi de sa fonction première tout en préservant sa puissance symbolique. Elles retardent indéfiniment le moment de passer à l’action, vous forçant à ralentir le rythme jusqu’à ce que vous atteigniez un très esthétique stade de détente absolue.

Anti-camouflage

Porter du camouflage en tant que civil a jadis été considéré comme audacieux, mais aujourd’hui, il ne s’agit que d’un motif parmi tant d’autres. Tout comme les carreaux du tartan ont migré des kilts des guerriers des highlands à la garde-robe de papa, le motif camouflage est aujourd’hui si répandu qu’il a perdu tout son attrait provocateur. Porter un imprimé aussi commun n’a plus rien d’un geste de rébellion, et nous n’avons plus aucune raison de vouloir passer incognito. Nous devons donc trouver une nouvelle source d’énergie subversive. On se tourne donc vers les graphiques surdimensionnés et les couleurs éclatantes pour protester plutôt que de se défiler.

Transparence radicale

Le PVC est le fruit d’une découverte accidentelle; l'invention providentielle d'un chimiste français. Malgré ses débuts incertains, ce matériau synthétique a perduré dans le temps et a été produit industriellement par toutes les générations qui ont suivi. Il a su transcender ses origines non intentionnelles pour charmer les designers qui, aujourd’hui, l’utilisent pour provoquer et attirer l’attention. Un vêtement transparent est en soi une contradiction; un paradoxe entre la pudeur et l’exhibition, le hasard et le destin.

Divertissement extrême

Quand les visiteurs de Coney Island ont assisté à l’inauguration de la toute première montagne russe en Amérique, ils n’ont pas hésité à sortir leur petite monnaie pour avoir la chance de défier la gravité. Propulsés à travers l'espace en position assise, ils ont goûté, pendant un bref instant, au plaisir de voler. Alors que nos connaissances en ingénierie se sont approfondies, les montagnes russes sont devenues de vertigineux colosses; des divertissements extrêmes permettant de sublimer les montées d’adrénaline. Alyx l’a bien compris et s’est inspiré de l’iconographie des parcs d’attractions, s’appropriant du même coup le sentiment de défier les limites de l’humanité.

Actualisez vos classiques

La distinction entre réel et virtuel est désormais obsolète – la «vraie vie», c’est ce qui se passe en ligne. Nous avons besoin de vêtements qui reflètent l’effacement des frontières entre le physique et le numérique. Tout comme l'architecture avait inspiré Chanel et Schiaparelli, les concepts du Web 1.0 sont un puits sans fond d’inspiration pour une nouvelle génération de designers en quête de référents irrévérencieux. Affichez fièrement votre historique de recherche sur votre poitrine et redonnez au terme «expérience utilisateur» sa signification première.