La renaissance de Loewe

Jonathan Anderson, conservateur du futur

  • Texte: Kin Woo
  • Photographie: Janneke van der Hagen
  • Stylisme: Hanna Kelifa
  • Images gracieusement fournies par: Portrait of Anderson courtesy of Loewe

Enfant, Jonathan Anderson accompagnait ses parents en vacances à Ibiza. « Sur la plage d’Agua Blanca, j’observais une culture tellement libérée et progressiste », relate Anderson près de vingt ans plus tard. « Ces voyages ont cultivé une grande partie de mes références mode ». Voilà pourquoi le créateur, en prenant les rênes de Loewe, n’a pas hésité à camper l’image de marque de la maison dans l’atmosphère ensoleillée et idyllique de ses souvenirs d’enfance. Dans sa proposition initiale pour la marque, il a même intégré une image de Steven Meisel réalisée pour Vogue Italia en 1997 et représentant les mannequins Maggie Rizer et Amber Valetta à la plage. « Pour moi, cette image représentait Loewe », affirme-t-il. « C’était un choix intuitif et très personnel ».

« Mon association avec l’Espagne, c’est Ibiza », explique Anderson. L’intrépide créateur de 30 ans détaille la sensualité et l’énergie renouvelées qu’il a apporté à Loewe, de sa nouvelle identité graphique par M/M Paris et du remaniement de ses archives au nouveau positionnement de la marque dans son environnement culturel. Et une série de photos réalisées par Janneke van Der Hagen, avec un stylisme de Hanna Kelifa, évoque la lumière et le paysage d’Ibiza pour rendre hommage à la nouvelle demeure spirituelle du vénérable maroquinier madrilène.

SSENSE

Jonathan Anderson

Comment perceviez-vous Loewe avant de devenir son directeur artistique ?

Avant de travailler pour Loewe, je connaissais relativement peu la marque. Dès ma première visite, j’ai découvert une marque patrimoniale d’exception, et j’ai compris qu’elle comptait sur des employés et des artisans de talent.

Vous avez passé les étés de votre enfance dans la villa de vos parents à Ibiza. Quels sont vos souvenirs les plus marquants de ce lieu ? Pourquoi vous a-t-il paru plus pertinent de situer la marque à Ibiza, plutôt qu’à Madrid, dans l’esprit du public ?

Mes parents se sont installés à temps partiel à Ibiza quand j’étais petit. C’était une expérience très libératrice, il y avait des hommes et femmes sur la plage qui étaient presque toujours nus ! Quand j’ai rejoint Loewe, j’ai voulu lui donner une certaine légèreté à la marque, un esprit libre et moderne.

Vous avez entièrement redéfini l’identité de Loewe, à commencer par une charte graphique de M/M Paris et des collaborations avec Jamie Hawkesworth, Benjamin Bruno et Joe McKenna. Pourquoi avez-vous choisi de recommencer à neuf ?

Pour lancer une nouvelle image de marque, il faut faire oublier ce qu’elle était auparavant. J’ai donc voulu tout changer: l’espace, le logo, même les cintres.

Initialement, vous ne souhaitiez pas consulter les archives Loewe, mais vous avez finalement été inspiré par certaines pièces d’archives. Qu’avez-vous appris ?

Oui, au début je ne pensais pas me tourner vers les archives parce que je pense que les marques ne doivent pas être comme des musées, elles doivent être fonctionnelles. Mais à ma première visite au Loewe Museum, j’ai été impressionné par la somme de travail qui s’est constituée au fil du temps. Son évolution à travers les époques m’a fasciné.

Pourquoi avez-vous choisi de vous inspirer de la New Wave et des années 80 pour la collection femme de l’Automne-Hiver 2015 ?

La collection Automne-Hiver 2015 reprend le personnage féminin présenté la saison précédente, et ajoute de nouvelles pièces fonctionnelles pour une autre facette de sa vie. Il y avait des inspirations scientifiques dans le défilé; c’était un moment de futurisme réaliste, avec des éléments de tous les jours pour une femme pragmatique et moderne.

Vous avez également dépouillé les boutiques Loewe de leur clinquant d’autrefois, et les avez remplies d’œuvres qui ont une signification personnelle pour vous, comme un banc de William Morris. Loewe a également collaboré avec des artistes comme la céramiste Lucie Rie, et avec John Allen pour les textiles. Quelle est l’importance de cet élément Arts and Crafts dans le renouveau de la marque ? S’agit-il de l’associer davantage à la culture qu’au luxe ?

Je m’intéresse davantage à la mode en tant que culture, et j’envisage Loewe comme étant une marque culturelle. Aujourd’hui, on se préoccupe autant de la décoration de notre intérieur que du contenu de notre sac, du choix d’un hôtel ou de ce que l’on porte. Pour rester pertinent, il faut offrir des produits qui peuvent être utilisés à l’heure actuelle.

Quelle est votre vision de la marque à long terme ?

Pour moi, Loewe est une maison avec un environnement culturel, pas juste une marque de mode. Mon rôle peut être comparé à celui d’un conservateur: je m’efforce de créer une plate-forme visuelle pour des objets choisis qui parlent aux clients, et qui peuvent éventuellement se combiner pour former un vestiaire.

  • Texte: Kin Woo
  • Photographie: Janneke van der Hagen
  • Stylisme: Hanna Kelifa
  • Images gracieusement fournies par: Portrait of Anderson courtesy of Loewe