Selfies sous le soleil: Marrakech avec India Rose

La styliste, photographe et globe-trotteuse se met en scène dans des photos réalisées au Maroc pour SSENSE

  • Entrevue: Elisa Schwalm
  • Photographie: India Rose

India Rose est très sensible à la géographie. Et à juste titre – tout photographe (c’est l’une des nombreuses professions d’India Rose) sait qu’un certain type de lumière n’est disponible qu’à certains points du globe: il faut donc partir à sa recherche. Cette fois, elle part pour le Maroc, où elle photographie les paysages environnants et réalise son propre stylisme avec des vêtements de Wales Bonner, Jacquemus et Homme Plissé Issey Miyake. En toile de fond de ses selfies furtifs, l’architecture almoravide marocaine contraste harmonieusement avec le vestiaire sport épuré de Rose.

La directrice artistique, consultante numérique et styliste de 23 ans raconte son voyage à Elisa Schwalm de SSENSE, avec des photos envoyées via iMessage.

Elisa Schwalm

India Rose

C’est la première fois que vous allez au Maroc? Quelles régions avez-vous visitées?

C’est mon deuxième séjour au Maroc, et aussi à Marrakech. J’ai ensuite traversé le désert vers Casablanca avant de partir pour Amsterdam.

Rapportez-vous de nouvelles impressions de ce voyage?

Lors de ma première visite, j’étais beaucoup plus jeune et peu consciente des normes culturelles. En se montrant respectueux de la culture locale dans son habillement et sa façon de s’adresser aux gens, on s’assure de passer un bon moment. J’ai aussi amélioré mes stratégies de marchandage de 80%. Cette fois-ci, des couples me demandaient même de marchander pour eux!

Quelle est la meilleure affaire que vous ayez faite pendant votre séjour?

Mon ami et moi avons réussi à acheter des cadeaux pour nous deux et notre copain/copine pour le prix d’un seul. On a fait mine de partir au moins quatre fois.

Quelles sont les différences entre s’habiller pour le Maroc et s’habiller pour Londres?

Même si Marrakech est plutôt libérale par rapport à d'autres régions, on se doit quand même d’être respectueux des croyances des autres. Il est donc conseillé de couvrir ses épaules et d’éviter les jupes, robes et shorts courts. Heureusement, je m’habille en général comme un garçon, donc ça ne m’a pas vraiment posé problème. Je devais faire très attention en choisissant les endroits où je prenais des photos, donc par respect j’ai opté pour des lieux privés et mon riad.

La palette de couleurs du Maroc est très saturée. Est-ce que ça a influencé vos choix vestimentaires?

Il y a énormément de tons de terre cuite. Mais la lumière ressemble beaucoup à celle de Los Angeles, et après avoir passé quelques mois à Londres, ça m’a en effet donné envie d’incorporer de la couleur dans mes tenues. C’est à la fois en fonction de la chaleur, des coutumes locales et de la poussière. Il y a de la poussière partout.

Aïe, j’imagine que vous avez avalé pas mal de poussière.

[Rires] J’ai toussé pendant quelques jours. J’essayais de ne toucher à rien quand je portais du blanc. Et parfois j’avais juste envie d’enlever tous mes vêtements tellement il faisait chaud. L’ensemble Wales Bonner était probablement la tenue la mieux adaptée au climat.

Quel est le vêtement le plus pratique que vous avez apporté?

Le survêtement Homme Plissé est idéal pour le voyage. Il est parfait pour les changements de température, et on peut le mettre dans sa valise sans qu’il se froisse. Je l’ai porté par-dessus le t-shirt asymétrique Jacquemus ou sur un bikini quand on traversait les souks pour aller à la piscine ou au restaurant.

J’aime les matières faciles d’entretien, c'est tellement pratique en voyage.

J’adore la simplicité. Et puis je suis nulle en repassage.

[Rires] Moi aussi! Comment est-ce que le voyage influence votre travail?

C’est un élément indispensable du processus créatif. Cette année, j’ai passé l’hiver à Londres, et ça a vraiment affecté mon travail. Je ne reste habituellement pas au même endroit aussi longtemps. Découvrir de nouvelles cultures et de nouveaux endroits, regarder comment les gens s’habillent, visiter des galeries et simplement sortir de sa zone de confort peut faire naître tellement d’idées. La beauté de la lumière et de l’architecture m’inspire aussi. Je suis en quête perpétuelle du mur parfait.

Est-ce que le paysage londonien vous manque quand vous êtes ailleurs?

Jamais, mais Londres me manque toujours. J’imagine que la seule solution est de voyager davantage. Je préfère souvent le travail que je produis ailleurs qu’à Londres.

Pensez-vous qu’il vous paraît plus nouveau quand vous sortez du cadre de votre quotidien? Le voyage vous apporte une autre perspective?

J’essaie de trouver un équilibre entre les projets que j’aime réaliser ici et les projets que j’aime réaliser à l’étranger. Mais je crois que le problème, c’est la lumière. Il y a rarement une belle lumière à Londres, et quand c’est le cas, l’été, je suis souvent ailleurs!

Nous avons discuté d’authenticité en 2015. Est-ce que quelque chose a changé en 2016?

J’ai rencontré une chargée de relations publiques la semaine dernière et c’était génial. On a exactement les mêmes points de vue, et elle se soucie vraiment de l’authenticité d’une campagne et de ses relations avec les autres. Je pense que la prochaine génération est aussi très perspicace quant à l’authenticité des marques, et ça me réjouit.

Comment votre utilisation des platesformes Internet et des médias sociaux a-t-elle évolué au cours des dernières années? Vous semblez vous être progressivement éloignée du blogue et tournée vers Instagram.

Je n’ai jamais prévu devenir blogueuse, et il s’est avéré que je n’avais pas vraiment envie de l’être non plus. Quand j’ai débuté, il était impensable de monétiser un blogue. Avoir un blogue aujourd’hui a des implications radicalement différentes qu’en 2007-2008, et je ne suis pas vraiment d’accord avec cette nouvelle dynamique. Je ne veux pas aider à promouvoir ou à vendre un produit qui ne m’intéresse pas au profit d’une entreprise. Le contenu est beaucoup plus important à mes yeux, et ça devrait aussi être le cas pour les marques. Il y a une différence majeure entre avoir beaucoup d’abonnés et avoir beaucoup d’impact.

Par contre, j’adore Instagram. C’est une façon idéale de communiquer sans en dire trop, et on peut être très créatif. J’adore prendre des photos, et c’est une plateforme formidable pour s’inspirer et entrer en contact avec des gens intéressants.

Il y a tellement de blogueurs qui veulent uniquement obtenir des produits ou de l’argent de la part des marques. J’ai plus de respect pour ceux qui ont vraiment quelque chose à dire.

Les gens font parfois ce qu’ils font pour de mauvaises raisons. C’est compliqué parce que même si j’aime les vêtements, j’ai tendance à rester à l’écart de l’industrie de la mode. J’essaie d’éviter d’être assimilée à un type ou à un autre. Même si j’utilise Instagram pour ce genre de chose, je fais aussi beaucoup de travail à côté, comme de la photographie, du branding, de la direction artistique et du stylisme. Je veux rester ouverte à toutes les possibilités, et Instagram est une excellente façon de le faire. Par contre, je ne sais toujours pas quel titre me donner.

[Rires] Ce n’est pas évident, les titres.

C’est tellement compliqué! Je ne me qualifierais jamais de directrice artistique ou de photographe ou de styliste devant mes artistes préférés dans ces domaines. Je ne pourrais pas me comparer à eux. Touche-à-tout, peut-être?

J’aime bien!

C’est convaincant, non? Je trouverai bien quelque chose un jour. J’en suis encore à mes débuts.

Qu’est-ce qui vous influence le plus, les gens ou les endroits?

Les endroits. Il y a des gens dans les endroits.

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