Balade nocturne à Queens avec Buddy Duress
La co-vedette de Good Time nous parle de sa deuxième vie en tant qu’acteur.
- Texte: Durga Chew-Bose
- Photographie: Jody Rogac

Buddy Duress. En français, son nom suggérerait littéralement l’image d’un pote sympathique, mais intimidant. D’un dur au cœur tendre. Difficile de trouver un nom de scène plus adapté à un visage. Ou plutôt un visage personnifiant plus parfaitement un nom. Buddy Duress, l’enfant du Queens qui donne la réplique à Robert Pattinson dans Good Time – le drame sombre, dur et shooté à l’adrénaline imaginé par les frères Josh et Benny Safdie – incarne dès le premier regard tout ce qu’on pourrait attendre d’un Buddy Duress. Il est doux. Large d’épaules et imposant, mais émanant une sensibilité à fleur de peau. Tout droit sorti d'un film de Fellini à l'humanité surréaliste, son visage généreusement communicatif est capable de transmettre simultanément tous les extrêmes. Il est à la fois Giulietta Massina et Anthony Quinn dans La Strada : écorché vif et rustre, mais crédible – on se l’imagine volontiers incarner un clown triste à l’époque du cinéma muet. Buddy Duress est ce bon vieux pote qui semble toujours vaguement préoccupé et crinqué au quart de tour, mais aussi surnaturellement relax. Face à toutes les épreuves, les soucis ou les tournures imprévues, il n’a qu’une seule réponse : « Tout est OK. »

Buddy Duress porte un col roulé Brioni.
Les yeux bleu pâle et enfoncés de Duress – découvert et révélé pour la première fois par les frères Safdie en 2014 dans leur drame crève-cœur sur la dépendance à l’héroïne Heaven Knows What – me rappellent le regard creux de Timothy Carey : l'acteur excentrique et turbulent connu pour ses personnages enragés toujours poussés dans leurs derniers retranchements. Même ses rôles mineurs, comme celui de Morgan Morgan dans Minnie and Moskowitz de John Cassavetes en 1971, arrivent toujours à voler la vedette de par leur charisme grossier.
L’air est lourd en ce soir de juillet et je viens tout juste de faire part à Duress de cette comparaison avec Timothy Carey. Je n’aurais peut-être pas dû. Nous venons de faire plusieurs allers-retours sur un seul et même tronçon de la 30e avenue à Astoria, tout près de la maison où Duress vit avec sa mère Joanne et son frère Chris. « Nous sommes italiens, alors la famille est très importante pour nous », me dit-il. « Même si j'avais un tas d'argent, je vivrais encore chez ma mère. Elle n’est plus toute jeune. Je dois être là pour en prendre soin. » Nous avons traversé et retraversé Steinway Street un nombre incalculable de fois en passant devant une pharmacie Duane Reade qui fut autrefois un cinéma United Artists, et où Duress se souvient avoir vu Mortal Kombat quand il était enfant. Nous nous arrêtons à peine pour reprendre notre souffle, sauf pour faire le plein de Vitamin Water orange – le favori de Duress – et pour acheter 10 cigarettes à l’unité (qu'il fumera au cours des trois heures que durera notre conversation) de trois heures, et un paquet de 2 livres de macaroni au fromage surgelé Stouffer's que lui et sa petite amie mangeront plus tard ce soir. Quand je lui montre une photo de Carey sur mon téléphone, Duress, 32 ans, fait la grimace et s’exclame : « Je parais mieux que lui! »

Buddy Duress porte un blouson Off-White, un t-shirt Loewe et un pantalon Haider Ackermann.

Buddy Duress porte un col roulé Brioni.

Buddy Duress porte un col roulé Brioni.
Il a raison. Je m'excuse - non pas parce que je crois que j’ai tort, mais parce que je me suis mal exprimée. Je tombe finalement sur une photo de Carey qui se vaut un signe de tête approbateur de la part de Duress. « Ouais, OK, il est pas mal là-dessus. Je vois ce que tu veux dire », admet-il. « Mes pommettes sont vraiment saillantes. La nuit, les gens disent que je ressemble à un raton laveur. » Ce que j'essaie d’expliquer en vain à Duress, c'est que cette comparaison va bien au-delà de son apparence. Elle renvoie à une hérédité cinématographique plus profonde.
Certains visages - comme celui de Carey ou de Duress, avec leurs traits prononcés – sont naturellement photogéniques. Comme l'a écrit le journaliste Grover Lewis un jour : « Peut-être la caméra n’aime-t-elle en fait vraiment que ces dissidents et ces marginaux... D’un certain type de fous du roi qui travaillent dans l’ombre, de ces mecs de second rang et de ces durs à cuire qui traversent l'histoire du cinéma comme les veines dans une falaise de granit. » Peut-être n’est-ce pas seulement dû à la caméra, mais bien à l’impression indélébile que créent ces « inconnus et ces marginaux » comme Duress qui en ont arraché dans la vie avant de découvrir leur véritable place : à l'écran. Parce que oui, l'énergie pure et désinhibée de Duress conjure la magie du grand écran. « Quels que soient les schèmes de pensée ou les produits chimiques qui peuvent rendre les gens embarrassés ou nerveux, je n’ai juste pas ça en moi » affirme-t-il. « Je n'essaie pas de me vanter. Je n'ai tout simplement jamais peur. Mon rythme cardiaque n’accélère jamais. »
Pas étonnant que les frères Safdie aient vu en lui le parfait candidat pour incarner Mike, le junkie sympathique de Heaven Knows What – un rôle pas tout à fait étranger à la vie réelle que menait Duress avant de devenir acteur. Celui qui a vécu dans la rue et qui a été incarcéré à Rikers Island pour des infractions liées à la drogue a plus d’une histoire folle dans sa poche - anecdotes qu'il raconte, selon ce que m’a confié Josh, avec « un sacré sens du détail ».
« Quels que soient les schèmes de pensée ou les produits chimiques qui peuvent rendre les gens embarrassés ou nerveux, je n’ai juste pas ça en moi. Je n'essaie pas de me vanter. Je n'ai tout simplement jamais peur. Mon rythme cardiaque n’accélère jamais. »
Pendant notre promenade, Duress me raconte comment il s’est retrouvé dans la rue en 2013, l’année où il a rencontré Josh. « Je venais de sortir de Rikers. J'y ai passé environ 3 mois et demi pour possession de drogue. Ils voulaient m’envoyer en réhabilitation. J’avais le choix entre suivre un programme de 8 à 10 mois ou passer deux ans en prison, alors j'ai choisi le programme. Ils m’ont envoyé au bâtiment TASC dans le Queens, juste à côté du palais de justice. Ils m'ont dit d'attendre là-bas et que quelqu’un viendrait me chercher pour m’escorter. Mais je savais déjà que je n'irais pas. J'ai attendu pendant une heure et demie. L’escorte ne s’est jamais pointée, alors je suis juste parti et j'ai trouvé une personne au hasard qui voudrait bien me laisser emprunter sa passe de métro. Je suis rentré directement à la maison, j'ai pris une douche, je me suis rasé, puis j'ai expliqué ce qui se passait à ma mère et je lui ai dit que je resterais en cavale le plus longtemps possible. Dans ma tête, je me disais : "Je vais profiter de l’été et échapper aux autorités aussi longtemps que possible. Et quand ils finiront par m'attraper, j’assumerai comme un homme." J'ai fini par vivre dans la rue. Je dormais dans Central Park, Riverside Park. J’ai réussi à obtenir une fausse carte d’identité dans une église. Ce n’était pas comme un permis de conduire ou quoi que ce soit – juste une pièce d'identité bidon sur laquelle vous pouvez écrire ce qui vous chante. J'ai mis un faux nom. Comme ça, quand les flics me demandaient une carte d’identité et qu’ils vérifiaient mon nom, j’étais blanc comme neige. Je me pensais très brillant. Je suis sorti de Rikers le 2 août 2013 et ils m'ont attrapé le 1er août 2014. J’ai donc passé 364 jours en fuite. »
Duress poursuit en me racontant que c’est pendant cette période que son amie de longue date Arielle Holmes, la vedette du film Heaven Knows What– dont le récit de ses expériences en tant qu’ex-sans-abri et ex-junkie, Mad Love in New York, a inspiré le film du même nom – l'a présenté à Josh. « Je traînais avec Ari – on n’était jamais bien loin l’un de l’autre quand on vivait dans la rue – et elle m’a dit : "Yo, je vais jouer dans un film!" Josh est arrivé avec une bouteille de Patrón, on s’est assis dans sa voiture et on l'a bue. Lui n'a pas bu parce qu'il devait conduire, mais bon, on a commencé à parler, à raconter des histoires. »

Buddy Duress (gauche) porte un complet Brioni et un col roulé A.P.C.. Buddy Duress (droite) porte une veste Kenzo, un col roulé A.P.C., un jean Loewe et une ceinture Loewe.

Buddy Duress porte un manteau Loewe, un t-shirt Craig Green, un jean Loewe et une ceinture Loewe.
Quelques mois plus tard, Safdie a demandé à Duress s'il voulait faire une petite apparition dans le film. Voyant que l’assurance crasse et la force chaleureuse de Duress se traduisant tout naturellement à l’écran, les frères Safdie lui ont vite proposé un rôle beaucoup plus important. « C’est clair! Sans hésiter », raconte Duress. « Quelqu'un me demande si je veux jouer dans un film? Je dis oui, c’est clair! » Buddy, qui n'a pas cessé de bouger depuis que je l’ai rejoint ce soir, s’arrête pour la première fois et se tourne vers moi. « Tu sais, quand je regarde ça avec du recul, je me dis que si j'étais entré dans ce programme, je n'aurais jamais joué dans Heaven Knows What et je ne serais probablement pas acteur aujourd’hui. C'est la simple vérité. Ça ne serait pas arrivé autrement. Aucune chance. »
Avec Good Time, les Safdie contredisent les propos de Lewis en offrant à Duress un rôle de premier plan aux côtés de l’un des acteurs les plus célèbres du moment. Qui plus est, le rôle a été explicitement écrit pour Duress avec l’aide de Ronald Bronstein, proche collaborateur et vedette de leur film indépendant Daddy Longlegs, sorti en 2009. Le ton de Daddy Longlegs et son rythme soutenu offraient déjà des signes précurseurs du style résolument street des deux frères, tout comme de leur propension à dépeindre le côté turbulent de l'affection filiale et sa capacité à corrompre une personne comme à lui permettre d’avancer.
Dans le cas des Safdie, c’est plutôt d’une dépendance au cinéma qu’ils souffrent. En ce sens, celle-ci est tout aussi vitale à leur travail qu’elle peut être difficile à regarder. Ils fonctionnent selon leur propre rythme effréné, se frayant compulsivement un chemin à travers les entrailles et les méandres de leurs obsessions artistiques. Prenez par exemple le personnage de Duress dans Good Time. Il joue Ray, ce mec en libération conditionnelle qui revient à la vie façon momie vers le milieu du film (vous comprendrez quand vous le verrez), reprenant le flambeau de l'histoire qui était portée jusque-là par Connie Nikas (Pattinson). Après un cambriolage raté avec son frère handicapé et malentendant Nick (Benny Safdie), Connie s’embarque avec Ray dans une nuit infernale et complètement déjantée impliquant notamment la vente rapide d’un stock de LSD liquide.

Buddy Duress porte des flâneurs Dolce & Gabbana, un blazer Alexander McQueen, un t-shirt Craig Green et un pantalon Alexander McQueen.
Good Time est tordu. Connie est déchaîné, mais irrémédiablement confronté à ses propres limites. Ses idées défilent à toute vitesse et il est incapable de tolérer la confusion – bien qu’il en soit souvent la cause. On a envie de lui donner tort et pourtant, il ne sonne jamais faux. Connie profite de tous ceux qui croisent sa route, comme Ray, comme Crystal (interprétée par Taliah Webster), une jeune fille de 16 ans qui se retrouve empêtrée dans ses cordes, puis abandonnée. À un certain moment, les trois protagonistes, assis dans une voiture à l'extérieur en face d’un resto White Castle, développent une dynamique similaire à celle qui rappelle celle que l’on retrouvait dans Stranger Than Paradise en 1984 – du moins si cette comédie dramatique de Jim Jarmusch avait connu un dénouement agressif et tragique. Il faut dire qu’avec sa gueule de voyou fourbu à la John Lurie, Duress y est sans doute pour beaucoup.
Je me souviens que quand j’ai interviewé les frères Safdie en 2011 à propos de leur court métrage John's Gone, j’avais remarqué que pendant toute la durée de notre conversation, ils se tenaient tranquillement assis en équilibre sur les pattes arrière de leurs chaises. La précarité de leur position assise couplée au débit vertigineux avec lequel Josh s’exprimait m’avait presque donné l’impression de regarder un de leurs films. Comme si à tout moment, cet enthousiasme sauvage et cette passion fanatique pourraient se solder par une chute, un grand fracas. Boum.
« Quelqu'un me demande si je veux jouer dans un film? Je dis oui, c’est clair! »
Or, l’aspect le plus notoire de leur travail réside sans doute dans leur processus collaboratif. La presse a affirmé à propos de Good Time que le film avait d’abord été pensé comme un partenariat entre Pattinson et Duress. « Le cœur de ce projet consistait à faire jouer Rob et Buddy ensemble dans un film. À l'origine, Rob devait jouer un simple rôle de soutien et donner la réplique à Buddy », explique Josh qui, au tout début du processus, rencontrait Duress le soir dans des diners et lui demanderait de raconter des histoires qu'il enregistrait avec une caméra de poche pour ensuite les montrer à Pattinson. L'une des anecdotes tirées de la vie réelle de Duress, qui avait perdu son portefeuille lors d'une soirée particulièrement arrosée, a été reprise dans le film. Sans vouloir révéler trop d’intrigues (mais disons que ça implique de se jeter en bas d'une voiture en mouvement), je lui demande comment sa mère a réagi quand il est rentré à la maison couvert de bosses, de coupures et d'éraflures. « Je lui ai dit ce qui s'était passé et elle a rigolé. « T’es déjà acteur, et maintenant t’essaies de devenir cascadeur? »
Comment Duress fait-il pour donner la réplique à Pattinson tout en jouant simultanément avec lui? Voilà qui retient toute notre attention. Ray est comme un albatros maudit, un boulet à la cheville de Connie. Alors qu’on pourrait être tenté de dire de lui qu’il est un « naturel », c’est plutôt sa résilience qui change toute la donne. Il puise dans ses propres combats, dans ses propres épreuves, dans ce qu’il a vu et vécu. Duress n’en perd pas une miette et offre une performance exaltante. Il est la gazoline qui propulse Good Time. Il court comme quelqu’un qui sait ce que sait que d’être pourchassé, et raconte des histoires élaborées et pleines d’esprit comme quelqu’un qui aurait dû passer beaucoup de temps en sa propre compagnie.

Buddy Duress porte une veste Kenzo, un col roulé A.P.C., un jean Loewe et une ceinture Loewe.

Buddy Duress porte un blouson Off-White et un t-shirt Loewe.
Il me raconte cette fois en 2015 où Josh Safdie et le réalisateur Dustin Guy Defa (dont le dernier film, Person to Person, tourné à New York et mettant en vedette Michael Cera, Abbi Jacobson et Duress en tant que magouilleur de bas étage) sont allés visiter Duress à la prison de Rikers, où il purgeait une peine de trois mois pour avoir manqué à ses conditions de liberté conditionnelle. Safdie et Duress s’échangeaient les dernières nouvelles alors que Defa se contentait surtout d’écouter. À un certain moment, ils ont demandé à Duress de ne pas couper ses cheveux, quoi qu’il arrive, car il en aurait besoin pour son prochain rôle. Duress leur a donné sa parole. « Il ne me restait plus qu’une semaine à passer là, m’explique-t-il. « Ils m'ont transféré dans l’upstate parce que je suppose que c’est ce qu’ils font en cas de violation de parole – ils doivent vous faire passer par l’upstate avant de vous libérer. Quand vous arrivez là-bas, ils vous foutent à poil et vous fouillent, ils vous font un shampooing contre les poux puis ils vous disent d’aller vous sécher. Après, ils vous alignent devant le salon de barbier et essaient de vous faire raser comme un militaire. J’étais le dernier en ligne, alors quand ils m’ont gueulé que c’était mon tour, je leur ai dit : « Non, je ne le fais pas. » Ils étaient comme « Quoi? Quoi?! On a un récalcitrant! » Dans l’upstate, les agents de correction sont connus pour faire chier tous ceux qui ne font pas ce qu’ils disent. Mais moi je me disais : « Rien à foutre. Je ne me ferai pas couper les cheveux. Je vais décrocher ce rôle. »
Qu’est-ce qui s’est passé après?
L’agent avait des veines qui lui sortaient du cou et il gueulait : « Pourquoi tu veux pas? » Je ne lui ai parlé de toute cette histoire de film parce que ça ne les regardait pas.
Alors tu leur as dit quoi?
J’ai inventé une histoire. J’ai dit : « J’ai un boulot à Manhattan, et je ne peux pas arriver là avec le look fraîchement sorti de prison. Les apparences sont importantes pour mon patron. » Quand ils m’ont demandé quel genre de travail c’était, j’ai dit : « Dude, tu ne les connais sûrement pas. » Mais je me suis vite repris et j’ai ajouté : « Tu vois le magasin Diesel sur 5th Avenue? C’est moi qui accueille les clients et faut que je paraisse bien. Désolé, mais je ne veux pas perdre mon boulot. Alors je vais devoir passer mon tour. »
C’est vraiment ça que tu leur as sorti?
Ouais, alors l’agent m’a dit : « Tu t’en vas au trou! » J’étais comme : « OK, faites ce qui vous chante. » Il ne me restait qu’une semaine à purger, alors je l’ai passée au trou. J’ai lu quelques livres. Je me parlais tout seul et je chantais. Seigneur, qu’est-ce que je me suis fait chier. Dans une situation comme ça, la seule chose à faire est d’essayer d’être votre propre meilleur ami.
Wow.
Ouais. Je ne retournerai jamais là-bas. Jamais.

Buddy Duress porte des flâneurs Dolce & Gabbana, un manteau Loewe, un t-shirt Craig Green, un jean Loewe et une ceinture Loewe.
C’est exactement ce genre d’histoires – et la façon dont Duress les raconte – qui fait craquer tout le monde. Sa façon d’agiter les bras alors que sa voix se fait de plus en plus tonitruante. Sa façon de me demander ce que je pense de son jeu d’acteur, de ses scènes de combat – « Tu y crois? Tu y crois? » - de son nom de scène, ou de s’inquiéter de savoir si j’ai trouvé Good Time trop choquant. « Ça ne t’a pas foutu le cafard, j’espère? » m’a-t-il demandé à plus d’une reprise.
Duress me confie que sa mère a toujours cru qu’il deviendrait acteur. Elle a été la première à entendre toutes ses « folles histoires ». Quand j’ai demandé à Josh comment c’était que d’aller à Cannes avec Duress et de vivre l’expérience de voir leur film en lice dans la compétition, il m’a répondu : « J’ai pleuré. Buddy a tellement de talent. Entre Heaven Knows What et la prison en passant par ses cours d’acting avec Clark Middleton, il n’a jamais cessé de s’améliorer. J’ai toujours adoré le voir en audition. Il m’a redonné foi dans le processus d’audition! »
« Dans une situation comme ça, la seule chose à faire est d’essayer d’être votre propre meilleur ami. »
J’ai aussi écrit à Defa pour lui demander comment c’était de travailler avec Duress, dont le petit rôle (et la coupe de cheveux cocasse) dans Person to Person lui ont non seulement permis de se démarquer, mais laissaient aussi présager son penchant pour la comédie. « Je suis attiré vers les gens qui sont capables d’être eux-mêmes et qui ont une espèce de charisme de durs au cœur tendre », m’a-t-il répondu. « Il a ce je-ne-sais-quoi qui est difficile à cerner. C’est tout simplement dans sa nature. Il a une présence cinématographique qu’on ne veut pas nécessairement chercher à s’expliquer. De toute façon, vous ne pourriez pas le faire, car une partie de son charme vient de son caractère évasif. La caméra aime Buddy, mais la caméra le cherche toujours sans vraiment le trouver. »
Regardez la conférence de presse de Good Time à Cannes. Regardez-la jusqu’à la fin, quand Duress se met enfin à parler. Sa réponse à la question du modérateur se développe en un monologue franc et transparent qui reflète non seulement le caractère de Ray – « C’est un esprit libre, vous savez. Personne ne peut s’immiscer dans son esprit » –, mais qui capture aussi la volonté de Duress de se consacrer corps et âme à sa nouvelle vie et à poursuivre sa carrière d’acteur avec sérieux et sans compromis. « Je suis moi-même un criminel. Enfin, un ex-criminel. J’essaie de puiser dans cet état d’esprit qui m’a poussé à faire toutes ces mauvaises choses et dans toute la merde que j’ai vécue et de canaliser tout ça pour en faire quelque chose de positif. Je veux continuer à jouer. Il y a trois ans, j’étais vraiment dans de sales draps et aujourd’hui, je suis à Cannes. C’est complètement fou. » Remarquez bien le sourire du producteur Sebastian Bear-McClard et le visage de Ronald Bronstein qui s’illumine. Leur air émerveillé traduit une admiration mêlée de gratitude. Bref, un peu comme notre propre visage quand on se retrouve devant le grand écran.

Buddy Duress porte un blazer Alexander McQueen.

Buddy Duress porte un blouson Eckhaus Latta et un t-shirt Craig Green.
- Texte: Durga Chew-Bose
- Photographie: Jody Rogac
- Assistant photographe: Justin Leveritt
- Stylisme: Eugenie Dalland
- Assistant styliste: Jillian Amos
- Coiffure: Fernando Torrent
- Maquillage: Allie Smith