Archipel culturel

Les blogueurs mode de Tokyo Dandy nous offrent un aperçu de leur quotidien au Japon

  • Texte: Thom Bettridge

Pour comprendre Tokyo, vivier d’innombrables sous-cultures, l’étranger a souvent besoin d’un interprète. Lancé il y a huit ans par Dan Bailey, expatrié britannique, et Joe Kazuaki, originaire d’Okinawa, le site Tokyo Dandy est une fenêtre bilingue sur l’effervescence de la mode, de la musique et de la vie nocturne dans la capitale japonaise. Après avoir créé le site pour combler un manque de couverture médiatique des événements culturels, Bailey et Kazuaki sont en quelque sorte devenus les guides officiels des boîtes de nuit tokyoïtes pour la communauté mode internationale. Aujourd’hui, le duo est tout aussi susceptible de sélectionner les invités pour l’ouverture d’une enseigne de luxe que de collaborer avec des marques comme Loewe, Marc Jacobs et Acne Studios. En complément des actualités du site, la série photo « Disposable Lives », réalisée avec des appareils jetables, regroupe des images d’architecture de quartier comme des moments pris sur le vif en fin de soirée.

Nous avons discuté avec Dan Bailey de Tokyo Dandy, qui partage des clichés extraits du quotidien du duo.

Thom Bettridge

Dan Bailey

Comment Tokyo Dandy a t-il vu le jour ?

En 2007 et 2008, il y avait beaucoup de fêtes underground, mais je ne trouvais pas de magazine pour publier mes photos de soirée. On a donc décidé de créer Tokyo Dandy pour y publier les photos et présenter les gens et les évènements qui nous intéressaient. À l’époque, les médias japonais comptaient toujours sur les communiqués de presse – souvent via fax – alors que nous, on sortait, on recueillait nous-même les informations et on les traduisait en japonais.

Le blog est en japonais et en anglais. Comment vous adressez-vous à ces deux auditoires en même temps ?

Le texte japonais est souvent différent de l’anglais, parce que les lecteurs réagissent différemment à la langue. On agit plutôt comme un filtre d’informations. Si quelque chose nous intéresse, on a naturellement envie de le partager.

Décrivez-nous un vendredi soir typique à Tokyo.

Les meilleures soirées commencent avec des amis dans un izakaya à Shibuya ou Nakameguro, avant d’aller passer des disques dans une boîte comme Trump Room, VISION ou Bridge. On finit généralement dans un karaoké vers 3 heures du matin, puis on va manger des ramen et on rentre en taxi. Mais honnêtement, on pourrait faire ça n’importe quel soir.

Comment trouvez-vous de nouveaux sujets ? Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans ce qui se passe à Tokyo en ce moment ?

On fait de notre mieux pour être attentifs à ce qui se passe – les bons artistes, galeristes, musiciens et créateurs sont souvent trop occupés pour bien diffuser leur travail, il faut donc les rechercher nous-mêmes. En ce moment, je m’intéresse à une nouvelle vague de groupes hip-hop encore quasi-inconnue à l’échelle de la scène musicale japonaise, mais qui se crée une identité propre à Shibuya. Je m’intéresse aux étudiants de la Bunka Fashion School. On a collaboré avec certains d’entre eux, et je m’assure de les mettre sur les listes d’invités qu’on compile pour Miu Miu, Louis Vuitton, Versace, etc. Je pense que le fait d’être exposés aux réalités de l’industrie peut leur apporter une stimulation créative que n’offre pas le cadre académique japonais.

En occident, on se représente souvent le style japonais comme étant « futuriste ». Est-ce le cas ? Comment le décririez-vous ?

En matière d’architecture, pour chaque bel immeuble futuriste en béton brut, il y a des milliers de sanctuaires de quartier, de boutiques de l’ère Shōwa et d’édifices à bureaux quelconques qui sont menacés par les bulldozers. Quant aux styles vestimentaires, la réalité quotidienne ressemble à celle de n’importe quelle autre grande ville – il y a des jeunes bien habillés dans les quartiers du centre-ville mais aussi des banlieues conservatrices où le temps s’est arrêté. Ce côté futuriste vient peut-être de la facilité apparente des Japonais à s’approprier les codes de sous-cultures et de styles venus d’ailleurs pour en faire quelque chose de nouveau. À une époque où « appropriation » est devenu un vilain mot, j’admire cette vision de l’identité vestimentaire.

  • Texte: Thom Bettridge
  • Images gracieusement fournies par: Provided by Tokyo Dandy