La sagesse nonchalante de Mac DeMarco

Le musicien partage quelques leçons de vie et nous montre qu’il faut travailler fort pour être relax.

  • Photographie: Rebecca Storm

Une nonchalance paradoxale émane de Mac Demarco. Alors qu’on aime sa musique pour son romantisme flemmard, son agenda surchargé ne lui laisse pas beaucoup de temps pour jouer les faignasses, partagé entre tournées, écriture et autres obligations inhérentes à la vie d’artiste. Un train de vie aussi éreintant qu’exaltant. Et pourtant, Mac a le don de faire paraître tout ça tellement facile. Il nous livre ici quelques leçons de sagesse sur les cigarettes, les sandwichs et Michael Jackson - tout en signant des autographes dans son bungalow d’Echo Park.

À propos
des cigarettes

Pas que j’aie le sentiment de devoir être un modèle pour les jeunes, mais j’en suis devenu un malgré moi. Alors voilà, il faut montrer le bon exemple. Comme pour la cigarette et toutes ces conneries. J’ai écrit une chanson à propos de ça. Oui, je fume, c’est une dépendance, et c’est mon choix. On doit tous prendre cette décision un jour ou l’autre. Mais je ne fais pas la promotion de la cigarette. J’essaie plutôt de dire : « Hé, petit! Je t’aime bien, touche pas à la clope. Ça va te bousiller les poumons et la peau. »

À propos des « vieux messieurs »

Je suis allé luncher avec un certain Michael McDonald; vous savez, le mec des Doobie Brothers? Un chic type, plus vieux que moi. Il a des biceps d’enfer et un regard bleu perçant. On s’est bien éclaté, j’espère qu’on va remettre ça bientôt. Je devrais passer plus de temps avec des mecs plus vieux.

On getting older

Ça fait chier, mais essayons de ne pas y penser.

À propos de la jeunesse éternelle

C’est un truc de Peter Pan, ça. Est-ce que je dirais oui? Non? Non. Ça deviendrait trop tordu. Ce serait cool pendant un bout de temps – avoir 25 ans pendant 50 ans, par exemple. Mais après, ce serait nul. Imagine si je pouvais rester jeune pour toujours et que Kiera continuait de vieillir. Je finirais par sortir avec une grand-maman.

À propos d’Internet

Instagram est le seul truc du genre que j’aime. Je sais pas pourquoi. Je trouve que c’est un bon médium. Tu publies une photo, et t’as pas besoin de dire quoi que ce soit si t’en as pas envie. Twitter, je ne suis pas fan. Facebook, j’aime pas du tout. Instagram est fun. Mais je pense que ceux qui prennent les réseaux sociaux trop au sérieux devraient se poser de sérieuses questions. Je ne publie jamais rien qui a de la substance. Juste des photos de mon double menton – et c’est à ça que ça devrait servir. Heureusement, les gens de notre âge sont nés à une époque où le monde n’avait pas encore été média-ifié. Maintenant, tout est une question de marketing, et on ne s’en rend même plus compte – surtout les plus jeunes. C’est quand même le cas et c’est très nocif et mauvais, mais les gens ne le comprennent pas. Publier ton journal intime sur Internet? Mauvaise idée. Encore là, l’Internet a aussi beaucoup de bons côtés si on oublie les médias sociaux. Tu peux enregistrer un album, le diffuser sur Internet et le partager avec des millions de personnes, garder contact avec des gens aux quatre coins du monde. Mais on peut aussi perdre le contrôle, et ça peut mal virer. Quand ça devient trop fou, c’est pas bon. Les gens peuvent être très méchants sur Internet; ils peuvent faire tout ce qui leur chante. Mais c’est pas la vraie vie, ça reste Internet.

À propos des moments de solitude

Je pense que j’en ai un peu trop. C’est un peu en train de me rendre fou.

À propos des sandwiches

Je n’ai pas souvent l’occasion d’en parler, mais j’ai une liste de sandwiches que j’ai goûtés un peu partout dans le monde, dans des restos pour lesquels j’ai beaucoup de respect et que j’aimerais beaucoup retourner visiter. Il y a le döner kebab de Berlin, similaire aux sandwichs au bœuf fumé de Montréal, mais qui est servi avec une petite portion d’Alphaghetti, et qui est fait avec de gros morceaux de corned beef, servi sur un gros bagel bien salé, avec du fromage à la crème, de la moutarde forte et un cornichon. C’est un des meilleurs trucs que j’ai mangés de ma vie, et le resto est ouvert 24 heures sur 24. Il y avait deux endroits qui servaient des bagels salés sur la même rue, et j’ai choisi celui de droite, je ne sais pas pourquoi. Mais c’est le premier que j’ai choisi et je dois lui demeurer fidèle. Maintenant, parlons d’un autre sandwich que j’adore, du Brésil celui-là. Je ne sais pas comment l’endroit s’appelle, mais ils servent ce sandwich fait avec de l’épaule de porc rôtie lentement puis effilochée, servie sur un petit pain garni de fromage, de quelques morceaux d’ananas, et arrosé d’une huile pimentée super épicée. C’est une des meilleures choses que vous pourrez jamais manger. Ce même resto sert aussi des pilons de poulet qu’ils trempent dans la crème et dans la panure avant de les frire. Délicieux aussi, mais ce n’est pas un sandwich. Puis il y a le sandwich au bœuf Philly, à Philadelphie bien sûr, et le sandwich au bœuf fumé montréalais. Sans oublier le sandwich Godfather que l’on sert à Brooklyn. Un excellent sandwich, plein de viande et de fromage.
It’s just the one I went to first and you gotta remain loyal. Now we’re going to move over to another sandwich that I absolutely adore, from Brazil, I don’t know what it’s called. Comes with pork shoulder, slowly roasted and shredded, on a bun with a bit of pineapple, cheese, and drizzled with this super spicy pepper oily sauce. It’s one of the best things you can ever have in your life. Also the same place has a drumstick of chicken, coated in cream and bag battered and then deep fried. Also amazing but not a sandwich. Philly cheese steak I also love, in Philly of course. I love smoked meat sandwiches in Montreal. And the Godfather sandwich in Brooklyn, New York, great sandwich, all kinds of meat and cheese.

À propos d’être son propre fan

Old Dog est ma chanson préférée sur le nouvel album, qui sort le 5 mai. J’ai lancé cinq albums, mais les gens n’ont retenu qu’à peu près quatre chansons. C’est incroyable. Je pense que One More Tear to Cry, qui était sur Rock and Roll Nightclub, était vraiment pas mal. Mais c’est définitivement une de celles qui sont passées plutôt inaperçues.

À propos de lancer sa propre collection de vêtements

Je ferais des vêtements solides pensés pour la vie de tous les jours. Des trucs faits pour durer. Unisexes. J’utiliserais de beaux matériaux épais, assez aérés pour l’été, mais assez chauds pour l’hiver. Ce serait tout un défi. Mais honnêtement, c’est pas trop mon truc. Je ne compte pas me lancer dans la mode. Tyler the Creator le fait et il est vraiment dans son élément, mais j’ai l’impression que si c’était moi, les jeunes m’enverraient promener. Et ils auraient bien raison, parce que je n’en ai de toute évidence rien à cirer.

À propos des autres plans B

J’aurais une boutique où je vendrais toutes sortes de trucs : des tasses en métal, de la faïence, des carreaux peints à la main… – ça, ça m’irait. C’est sûrement ce que je vais finir par faire quand je serai trop gros et trop fatigué pour partir en tournée. Ou bien j’aurai mon propre studio d’enregistrement. Ce serait sans doute la suite la plus logique. Et si je me plante, alors j’ouvrirai plutôt un restaurant italien. Tout le monde m’appellerait Max. Il y aurait des nappes à carreaux, des chandelles, des chefs et des serveurs italiens; on servirait de la bouffe italo-américaine. Des sandwichs, des sous-marins aux boulettes de viande. Ou encore, ce qui serait vraiment chouette, ce serait d’ouvrir une Sandwicherie, où l’on retrouverait tous ces sandwichs célèbres de partout dans le monde réunis au même endroit. Avec le temps, ça deviendrait de plus en plus gros et de plus en plus populaire, et je finirais par ouvrir des franchises partout dans le monde, et je pourrais manger tous mes sandwiches préférés, peu importe où j’irais.

À propos de ce que les fans pensent

Je ne voudrais surtout pas qu’ils pensent que je suis un enfoiré ou quoi que ce soit du genre, mais à partir du moment où l’on fait de la musique ou quoi que ce soit de créatif et que l’on décide de rendre ça public, ça ne nous appartient plus. Idem pour votre image. Quand vous la laissez vous échapper, comme je l’ai fait, elle ne vous appartient plus.

À propos de vivre la vie de quelqu’un d’autre

Être Michael Jackson serait vraiment intéressant, et ce serait génial d’être aussi bon que lui pour faire de la musique. Alors je dirais Michael Jackson, Jésus-Christ, ou encore Steve Jobs.

À propos de l’avenir

Je vais avoir 27 ans cette année : l’âge fatal des rock stars. Les jeunes disent que le fait que j’utilise parfois un briquet blanc signifie que je vais faire partie du club des 27. Apparemment, tous ceux qui sont morts à cet âge-là avaient un briquet blanc dans leurs poches. Mais bon, je vieillis, je vais être papa dans quelques mois, et je trouve tout ça très excitant. Quoi d’autre? J’imagine que je devrais songer à m’acheter un briquet blanc demain, et à me faire castrer. [Rires]

  • Photographie: Rebecca Storm