Rien ne se compare aux HAIM
Comme à la maison avec les trois sœurs avant leur départ en tournée
- Texte: Erika Houle
- Photographie: Sarah Bahbah

« Suuuper Boogie Nights, » s’exclament en chœur les sœurs Haim, comme si elles avaient répété leur arrivée à la piscine privée d’Encino, en Californie. La référence est tout à propos : elles collaborent depuis un moment déjà avec le cinéaste Paul Thomas Anderson. Elles entrent dans cette maison rustique, milieu du siècle, parfaitement synchros, saluant tout le monde doucement en les serrant dans leurs bras.
« C’est la maison de mes rêves, » dit Este en entrant. Cette maison nichée dans la banlieue tranquille et bordée d’arbres de la vallée de San Fernando – où les sœurs ont grandi avant de former le trio multigenres HAIM – a pour elle quelque chose de très familier. Ses sœurs entrent à leur tour et sont, elles aussi, complètement dans leur élément. « Je suis certaine que je suis déjà venue ici pour une fête quand j’étais au lycée, » dit Alana, et Danielle confirme en opinant de la tête : « La maison dans la vallée par excellence ».
L’endroit est rempli de sofas aux tons chauds et de bibelots divers. Le charme rétro des lieux reflète la dynamique nostalgique du groupe et donne le ton de la journée. « C’est comme la maison de notre enfance. C’est tout ce que j’ai connu, » dit Alana. « J’aime tellement ça, quand on rencontre quelqu’un qui a grandi ici, il y a tout de suite un effet “soyons amis”. Et peu importe où tu es dans le monde, tu trouves quelqu’un qui vient de la vallée. » Le fait d’avoir grandi dans une communauté tissée serrée est un élément fondamental du groupe, et c’est ce que révèle la vidéo du succès « Want You Back » – dans laquelle elles déambulent dans la rue, faisant sporadiquement du « air drums » – elles ont carrément transformé le boulevard Ventura en piste de danse privée. « C’est comme, étais-tu plus du type Twain’s ou Du-par’s? » questionne Este avant de préciser : « Tu finissais dans quel resto après une fête? ».
Elles échangent leur téléphone alors qu’elles se préparent à être coiffées et maquillées, se montrant de vieilles photos de Brooke Shields et de Cindy Crawford. « Les cheveux bouffants des années 90 » est le choix glamour d’aujourd’hui, selon Danielle – ou « Yelly, » comme ses sœurs l’appellent souvent. À la blague, Alana et Este disent qu’elle est leur directrice créative. Au-delà de l’inspiration esthétique, grandir dans les années 90 a indéniablement teinté les influences musicales du groupe. Elles ont été bercées par une série de hits et de vidéoclips marquants d’une nouvelle génération d’artistes féminines de l’ère TRL de MTV, comme Destiny’s Child et Britney Spears. Vingt ans plus tard, leur obsession n’a pas changé. « Chaque fois que j’écoute Britney, ça me frappe, » dit Danielle. « C’est tellement solide, » renchérit Alana, se souvenant d’avoir assisté à l’un de ses concerts à Vegas. « Este a toujours raconté qu’elle flottait après avoir vu Prince en concert. Quand j’ai vu Britney, j’ai compris ce sentiment ».

Danielle porte blouson en cuir Balenciaga et boucles d'oreilles Balenciaga. Image précédente : blouson Y/Project, pull à glissière Balenciaga, jeans Calvin Klein 205W39NYC, t-shirt Calvin Klein 205W39NYC, chaussures hautes Ann Demeulemeester, jeans Calvin Klein 205W39NYC, chemisier Calvin Klein 205W39NYC et boucles d'oreilles Balenciaga.

En vedette dans cette image : salopette Jacquemus, robe chemise Jacquemus, robe chemise Jacquemus et chaussures hautes Jacquemus.

Alana porte pull col en V Balenciaga et boucles d'oreilles Ashley Williams.

Este porte blouson Y/Project et pull à glissière Balenciaga.
Este semble justement flotter aujourd’hui. Elle a célébré ses 32 ans la veille et parle avec exubérance de son cadeau préféré : une jardinière de son amoureux. N’omettant aucun détail, elle est tout excitée, puis fait une moue : « il est si mignon que ça me rend triste! » Pour ce qui est des amours, les sœurs se sentent bien moins expérimentées (et inévitablement moins portée vers la chose) qu’elles le sont musicalement. « Je n’oublierai jamais cette fête en 7e année, » se rappelle Alana. « J’étais dans le sous-sol de la maison d’un ami où il n’y avait que des couples. Le seul mec qui était là ne s’est pas le moindrement intéressé à moi. C’était le gars le plus sexy de l’école, il était comme “J’ai une copine”. Je suis restée assise là pendant environ 4 heures alors que tout le monde s’embrassait. C’était super. Il faut juste l’accepter et passer à autre chose. » En repensant à leur adolescence – porter des broches, casser l’ambiance, traverser des phases péniblement ingrates et embarrassantes qui semblent échapper à la génération Z – Danielle constate que ses sœurs et elle se sont « épanouies sur le tard ». Mais elles ont du plaisir à vivre tout ça ensemble. « Je pense que j’essaie encore de comprendre, » dit Este. Alana ajoute à la blague : « Je suis carrément allée dans un bar la nuit dernière, me disant “je veux essayer cette chose qu’on appelle se faire peloter” et personne ne voulait! ».
La fraternité émane de leur musique. Depuis qu’elles sont petites, elles vivent ensemble les moments charnières qui les inspirent aujourd’hui – que ce soit grandir au son des albums lancinants de Joni Mitchell qu’écoutait leur mère ou de se faufiler dans autant de concerts que possible. « Este nous amenait au Echo pour voir des groupes comme Rilo Kiley. Elle nous motivait avant et détournait l’attention des bouncers, » se rappelle Alana. « Ça changeait tout d’avoir une grande sœur qui nous traînait partout. »
Este compte sur ses partenaires dans le processus créatif du groupe. « J’ai toujours vraiment aimé la musique emo, » précise-t-elle. « Les paroles de mes chansons sont de plus en plus emo et Danielle et Alana doivent me modérer ». Les sœurs comptent les unes sur les autres pour se donner des conseils francs, pour trouver un équilibre entre la maîtrise de leur art et ne pas se prendre trop au sérieux. « Nous nous faisons confiance. Je sais que mes sœurs ne disent pas “non” pour me blesser, » confie Este. « Nous tentons d’écrire les meilleures chansons possible. » Tandis qu’elles préparent une tournée judicieusement intitulée Sister, Sister, Sister – dont les billets se vendent à une vitesse vertigineuse, avec le rappeur Lizzo en première partie –, les sœurs vivent une expérience qui dépasse tous leurs rêves. Mais entre concevoir leurs propres produits dérivés et les installations de scène pour la tournée, elles continuent (tout particulièrement) de rêver.

En vedette dans cette image : sandalles Jacquemus, robe chemise Jacquemus, boucles d'oreilles Balenciaga, sandales Jacquemus, combinaison Jacquemus et robe chemise Jacquemus.
« Je suis carrément allée dans un bar la nuit dernière, me disant “je veux essayer cette chose qu’on appelle se faire peloter” et personne ne voulait! ».

Alana porte salopette Jacquemus.

Daniel (à gauche) porte robe courte Jacquemus et boucles d'oreilles Balenciaga. Alana (à droite) porte robe courte Jacquemus.
Les rêves d’Este
• Billets de loterie
• Billets de loterie à gratter
• Quatre chiots bouledogues anglais
• Sac grand format Cool Ranch de Doritos
• Beignes Krispy Kreme
• Machine Dippin’ Dots
Les rêves de Danielle
• Telecaster Blackguard 1952
• LM-2 LinnDrum 1982
• Des chaussettes
• Princeton Reverb 735 Silverface
• Hamburgers In-N-Out
Les rêves d’Alana
• Expédition de sauvetage de chiots
• Un immense sac de poissons suédois
• Une pièce pleine de lumières au laser et de boules disco pour danser
• Une quantité infinie de différents types de bière.
• 100 paires de chaussettes
Si on passe en revue les quelque dix années d’existence du groupe – qui incluent la période d’adolescence des sœurs –, on constate qu’elles ne se sont jamais éloignées de leur vision. Naviguant dans ce marché prescrivant des genres tout prêts et des stéréotypes d’écolière, le trio reconnaît l’avantage d’être un collectif. « C’était plus facile pour nous parce que nous sommes trois, mais j’espère que nous pouvons aider les autres filles à réaliser qu’elles n’ont pas à écouter les autres, » dit Danielle. « Vous n’avez pas à aller dans un studio ou à dépendre d’un ingénieur que vous ne connaissez pas. Vous pouvez faire ce que vous avez envie de faire. » Si on rêve de célébrité et de devenir une rockstar, c’est le type de conseil qui semble évident – jusqu’à ce qu’on le mette en pratique. Et c’est parce que le groupe ne l’a jamais perdu de vue qu’il s’est ouvert au monde entier. « Ça nous a pris du temps avant de comprendre qui nous étions, dit Alana, nous sommes une forteresse. »
Erika Houle est rédactrice chez SSENSE à Montréal.
- Texte: Erika Houle
- Photographie: Sarah Bahbah
- Stylisme: Rebecca Grice
- Assistant styliste: Kat Garner
- Coiffure: Candice Birns
- Maquillage: Miriam Nichterlein
- Production: Emily Hillgren
- Assistance à la production: Tyler Cunningham